- Accueil
- Carnet de voyage
- Photos
- Videos
- Itinéraire
- Visas
- Matériel
- Infirmerie
- Vous vous demandez
- Ils nous ont fait rêver
- Merci !
- Page Facebook
- Recette du Beshbarmak
Ah ça c'est sûr ... elle a l'air un peu moins alco... - Recette du Beshbarmak
rrrroooohhhh... ben ça c'est un cours de cuisine q... - Vous vous demandez ...
Salut Eric & Lydie, On s'est rencontré en faisant ... - Malaisie: A voir
Hello Eric et Lydie Le temps a passé depuis votre ... - Malaisie: A voir
J'aimerais vous contacter car je prépare un long v...
La fin d'un mondeMardi 13 novenbre 2012 On embarque, le ferry est plein, l'ambiance pour nous est morose. Depuis notre dernière excursion touristique au glacier, la boule dans le ventre n'a cessé de grossir à mesure qu'on s'approchait de notre but. Ma tête refuse encore d'admettre que c'est bel et bien la dernière ligne droite et que tout va bientôt s'arrêter. Pourtant on en peut pas dire que j'ai été pris par surprise. Le lieu et la date sont connus depuis bien longtemps et celà fait des mois qu'on se réjouit à l'idée de rentrer, de retouver un peu de confort et des relations humaines qui durent plus que quelques jours. Nous nous sommes même répétés maintes fois qu'on avait vraiment bien fait de se fixer cette date de retour il y a bien longtemps, tant elle nous a aidé à mieux encaisser quand notre vie de nomade nous pesait trop. Mais toute cette belle logique s'est écroulée en moi en seulement quelques jours. Seuls les moments agréables du voyage me repassent par la tête et me rendent triste en réalisant qu'ils appartiennent au passé. J'occulte totalement les moments difficiles qui nous ont tant pesés parfois et qui ont dicté notre (sage ?) décision de rentrer. Mon cerveau ne veut plus s'en souvenir et je ne comprend plus pourquoi nous devrions arrêter ; c'est comme si je me faisais virer de mon boulot, par un patron mystérieux, en ayant pourtant l'impression d'avoir fait bien plus que ce qu'on attendait de moi. Sentiment désagréable qui me rappelle d'ailleurs de mauvais souvenirs. Et c'est d'autant plus difficile à accepter que c'est bien nous qui avons décidé de rentrer ! Mais qu'est ce qu'il nous a pris bon sang ! Alors j'essaie de me rassurer en pensant aux 15 jours qu'ils nous restent à rouler en Europe, pour me dire que ce n'est pas tout à fait fini. Mais ça ne me réconforte pas très longtemps ; nous nous dirigerons alors vers des lieux connus, dans un environnement familier. Tout le contraire de ces 30 derniers mois ... Tout le contraire de ces 500 derniers kilomètres en Terre de Feu qui stimulent encore notre imaginaire. Je me dis aussi qu'on pourra repartir un jour ; on l'a fait une fois, on devrait bien trouver la force de recommencer si vraiment on le veut à nouveau ? Peut être ... Peut être pas, on ne sait jamais ce que nous réserve le futur et c'est bien pour ça qu'on est partis avant d'être à la retraite et c'est aussi en partie pour ça qu'on a continuer après la Nouvelle-Zélande. Le futur. Finalement c'est peut être bien ça mon problème ; le vrai inconnu maintenant, celui qui me stresse, celui qui déforme ma vision des choses, c'est notre retour. L'inconnu du voyage, on le connait bien maintenant. On trimballe toute notre vie avec nous, on sait vivre avec relativement peu d'argent et on sait que ce soir on trouvera de toutes manières un endroit pour dormir. C'est la routine en somme. Mais on le connait si bien qu'on sait ce que ça coûte en terme de motivation pour pouvoir en profiter pleinement. Rouler avec les giraffes en Afrique comme Corinne et Joseba nous fait toujours rêver, mais trouver la force de s'adapter encore à des modes de vie si différents du notre, celà nous parait trop dur et justifie pleinement la décision de rentrer. Je suis dans une impasse. Rentrer paraît aussi difficile que de continuer. Ushuaia est le seul repère restant. Le détroit de Magellan est traversé. On campe à côté de l'école du village de pêcheur qui entourre le débarcadère. Ushuaia - 450 km 100 km de piste plein Est devant nous, mais le vent aujourd'hui vient du nord, alors on se retouve à nouveau à pousser les vélos pour ne pas se faire éjecter. Pas de blessure maintenant, surtout pas. Heureusement, Thierry, Sophie et Briac arrivent dans leur camping-car pour nous changer les idées, ou du moins, pour nous sortir de notre silence (de toutes manières avec le vent ça ne sert à rien de se parler). Rencontrés il y a 6 mois en Equateur, ils ont parcourus depuis un bon bout du continent et le hasard (et quelques emails) fait que nos routes se croisent à nouveau. L'apéro et la nuit à l'abri sont les bienvenus vu l'ambiance de notre équipage et le vent qui souffle dehors. Le lendemain, le vent a repris sa direction normale et on file à nouveau plein gaz à travers la pampa où rien n'arrête le vent, si ce n'est quelques abris-bus tagués de remerciement des cyclos qui ont pu y trouver refuge pour une pause ou pour une nuit. Ushuaia - 350km Derniers kilomètres de piste. On rejoint l'axe principal : Buenos Aires est à 3'000 km au nord environ, mais nous c'est bien vers le sud que nous tournons encore. Nous nous engageons ici dans ce qui est une longue voie sans issue, une impasse de 300 km avec un immense panneau FIN planté au bout. Ushuaia - 270 km On graisse une dernière fois les chaines et on tourne une dernière fois la carte routière. C'est le dernier pli. Plus au sud, plus rien. Passé Rio Grande, on croise coup sur coup un polonais et un couple de norvégiens qui commencent juste leur année sabatique à vélo au départ de Ushuaia. C'est leur troisième jour. Discussion rapide au bord de route, un peu de nostalgie supplémentaire, on rembobine inconsciement tout notre voyage jusqu'au 7 mars 2010 pour essayer de se mettre à leur place. Eux n'ont pas la neige que nous avions à l'époque, mais le vent est bien plus fort ici qu'en Suisse et il risque de durer un bon moment alors j'ai presque l'impression d'aller dans le bon sens quand même. A 18h, on trouve une maginfique aire de camping gratuite mais elle trouvera malheureusement sa place dans notre top 3 Argentin de la honte, aux côtés des décharges "éoliennes" de Bariloche et de Rio Grande. Dans ces deux villes, le niveau de la décharge était visiblement régulé par le vent de Patagonie qui se chargeait de disperser des millions de sacs, cartons, plastiques soit dans la forêt, soit dans l'océan directement à Rio Grande puisqu'elle avait été stratégiquement positionnée à 10 m de la plage. Ici, ce sont des centaines de bouteilles de bières, de paquets de chips, de sacs en plastique qui jonchent le sol de ce qui ressemble à une "aire de camping jettable". Qui voudrait revenir ici après y avoir laissé ses 30kg de déchets après son petit pique-nique ? Ushuaia - 150 km On retrouve la forêt et le relief ; la Cordillère des Andes finit aussi son parcours ici. A midi, on arrive à Tolhuin, dernier village en route. Ushuaia n'est qu'à 100 km mais arriver tard en ville ne nous réussit pas. Avec la fatigue, l'énervement n'est jamais loin si le bon logement tarde à se montrer. On décide de continuer afin de racourcir le plus possible l'étape de demain. La dernière. Ce soir on dort une nuit de plus sous tente. Tant mieux. On fait un dernier plein d'eau en prévision du bivouac mais en prime, on prévoit quand même une bouteille de vin rouge. La forêt, les étoiles, le rouge et nous. Ushuaia - 64 km Dernier col, altitude 400 m, sous le soleil, avec vue sur le lac. Magnifique. Dans la descente, je m'étire encore les jambes par réflex pour prévenir une éventuelle tendinite au genou. Comme si ça pouvait arriver en 50km ... Plus rien ne compte. Plus besoin de prendre soin du matériel, sa mission est presque remplie. Mais j'en ai presque mauvaise conscience, l'impression de manquer de respect à tout cet équipement qui nous a pourtant bien facilité la vie. Nous n'avons jamais donné de nom à nos vélos, peut être à cause des relations houleuses que nous avons eu au début, mais à force de vivre avec si peu de choses (encore que, on finit avec respectivement 45 et 30 kg de chargement ...) et surtout avec si peu de moyen de les remplacer facilement sur la route, on a fini par s'y attacher. Ushuaia - 30km Une question revient souvent dans les discussions entre voyageurs : "Qu'est ce qui t'a donné envie de voyager ?". Beaucoup de cyclos parlent alors spontanément d'un récit de voyage qui les a marqué. Claude Marthaler, la famille Hervé, Poussin et Tesson, Bouvier ou même Goran Kropp. Tous ceux là et bien d'autres ont tiré de leur voyage un ou des livres qui sont devenus presques incontournables quand on prépare un grand voyage à vélo. J'ai, moi aussi, essayé de lire ces livres, mais je n'ai jamais réussi à en lire un en entier ; la même impression me gagnait à chaque fois, l'impression que ces gens là étaient des sur-hommes (femmes), que tout ce qu'ils vivaient et faisaient était tellement incroyable que peu d'être humains sur terre devaient être capables d'en supporter ne serait-ce qu'un dixième. Et certainement pas moi. Alors je refermais le livre bien souvent avant la 30ème page et je retombais à chaque fois dans un état plus ou moins dépressif, en me disant que non, je ne serai décidément jamais assez fort pour faire la même chose. Mais au fil de mes vacances et voyages, j'ai réalisé que moi aussi j'avais une de ces références qui me suivait et qui me venait spontanément à l'esprit dans des situations inattendues. Et c'est à la télé que je la dois. 20 ans ont passés, je ne suis pas devenu grand reporter à la TV et je n'ai même jamais revu ces émissions. Mais elles n'ont jamais été bien loin de mes pensées dans le désert mauritanien, dans les montagnes du Kyrghyzstan, en plongeant avec les raies manta ou en voyant des condors dans les Andes. Et je me demande d'ailleurs maintenant si mes parents m'auraient autant laissé regarder si ils avaient su le souci que celà allait leur causer :) Bref, avant même que je sache que Ushuaia était une ville, ce mot était pour moi synonyme d'inconnu, de nature, d'aventure. Alors depuis qu'on a embarqué sur le Bahia Grande en direction de l'Amérique du Sud et qu'on sait qu'on allait enfin voir cette ville, j'ai souvent essayé d'imaginer ce que je ressentirai en y arrivant, à quoi ressembleraient les derniers kilomètres, à quoi ressembleraient les alentours du fameux panneau "Fin del mundo". J'ai souvent essayé, sans jamais vraiment réussir. Ushuaia - 20 km La dernière pause biscuits est finie, on remonte en selle. Dans cette vallée le vent souffle toujours aussi fort de face, les arbres ne nous protègent plus tellement et il y a toujours beaucoup de circulation ; alors les derniers kilomètres se font en essayant seulement de ne pas avoir d'accident. Pas maintenant. Sutout pas. Je lève une dernière fois mon doigt en l'air, après je me l'interdis pour essayer de ne pas arriver énervé. Je laisse le soin à quelqu'un d'autre de faire l'éducation de ces derniers chauffards. Ushuaia - 6 km Dernière descente. On aperçoit la ville pour la première fois, on se retrouve en larmes. Mais il faut encore se faufiler dans la circulation avec l'esprit un peu ailleurs, en se demandant ce qui nous arrive vraiment. On longe le port et ses milliers de containers, la chaussée est défoncée, le vent souffle toujours. Surveiller la route et le compteur. Dimanche 19 novembre 2012 Ushuaia - 1 km Nos calculs étaient bons : 40'000 km. On a roulé la circonférence de la Terre. On célèbre ça avec une photo pendant que tombent quelques flocons de neige. Au loin, un parking, 3 bus garés, un attroupement. Voilà le fameux panneau. On slalome entre la foule et les voitures puis on s'arrête et on observe un peu ce qui se passe. Les groupes descendent de leur bus chauffés, se prennent tour à tour en photo et remontent aussi sec dans le bus, à l'abri du vent et du froid. On attend un peu, on laisse passer la foule. On a le temps. Des passants intrigués par notre chargement nous posent des questions et grâce à eux je me rappelle soudain d'où on vient et ce qu'on a eu la chance de vivre depuis presque 3 ans ; un retour à la réalité qui me redonne le sourire. On se laisse prendre en photo, certains nous proposeront même 10 pesos (2 CHF) pour nous payer à manger. "Pas besoin, merci, on est arrivés de toute façon !" Car cette fois c'est bien fini. Notre seul repère restant vient de s'effacer. Demain on ne replie pas la tente, on ne charge pas les vélos, on ne fait pas le plein d'eau, on ne campe pas. Ni demain, ni la semaine prochaine, ni dans un mois. Peut être une fois ou deux encore en Europe si la météo le permet et puis ce sera tout. Mais l'agitation et le monde autour atténue un peu le vertige de l'arrivée et le sentiment d'accomplissement prend momentanément le dessus sur les angoisses. Finalement il y a une vie après ce panneau ! Alors on se décide à sortir le trépied, on met l'appareil, la troisième prise est la bonne,
Clic clac. Voilà. C'est fini !
Mardi 11 décembre 2012 Trois semaines et beaucoup de kilomètres en bus sont passés depuis cette photo. Pourtant je me souviens encore parfaitement de ces 6 derniers kilomètres à vélo et je m'en souviendrai probablement encore très longtemps. Encore aujourd'hui, la sensation de vide et les doutes sur l'avenir ne m'ont pas vraiment quitté. Mais peu importe. Car il n'existait tout simplement pas de plus bel endroit au monde pour finir notre voyage. Car Ushuaia, ce n'est pas qu'un panneau, Ushuaia, ce n'est pas qu'une ville, Ushuaia, c'est la fin d'un monde de doutes et de rêves inaccessibles, Ushuaia, c'est notre voyage autour du monde, Ushuaia, c'était mon rêve d'enfant.
Ushuaia - 0 km
Merci M. Hulot, Merci Papa, merci Maman, Merci Lydie. Commentaires (25)
Opération "Retour"Une fois arrivés à Ushuaia, la pose photo devant "le" panneau expédiée et nos affaires posés au pied d'un lit, on peine toujours à réaliser qu'on y est vraiment. Tous ces kilomètres parcourus au fil des mois avec cette ville en tête, toutes ces découvertes et ces galères, on passe d'un coup du statut de cyclos à celui de "simples"touristes. Nous passerons 4 jours dans cette ville du bout du monde, 4 jours à encaisser le coup, à visiter un musée pour Eric, les magasins qui se remplissent de décorations de Noël pour moi, de recherches intensives surtout, pour trouver un bus qui veuille bien nous embarquer, nous et nos vélos jusqu'à Buenos Aires. D'autres avant nous avaient eu la mauvaise surprise de devoir payer autant pour embarquer leurs deux-roues à bord d'un bus que le prix d'une place assise, alors on se démène pour éviter de devoir passer à la caisse. Au début on se laisse presque convaincre par une société de transport qui nous éviterais de devoir charger les vélos dans la soute d'un bus. Problème réglé, pas de négociation à faire avec un chauffeur avide de se faire de l'argent de poche, pas de nuit blanche à cause des vélos qui se fracassent dans la soute à chaque virage et d'avoir de la casse à l'arrivée. Problème réglé donc, jusqu'à ce que les chauffeurs poids-lourd du pays décident de se mettre en grève. Pour la deuxième fois en un mois. Là, ça nous fait beaucoup moins rire. On se voit déjà devoir faire un scandale à Buenos Aires et repartir du continent avec nos vélos perdus quelque part entre ici et là-bas. On arpente les rues d'Ushuaia en long en large et en travers à la recherche de cartons pour les emballer et espérer qu'ainsi les chauffeurs de bus soit plus cléments. Et ça marche ! Le 23 novembre à 4h du matin nous sommes à la gare de bus, sous la pluie, en train de démonter roues avant et pédales et de glisser nos vélos, bien rangés dans leurs cartons dans la soute d'un premier bus. 13H plus tard, un passage exprès au Chili, une traversée en ferry pour quitter La Terre de Feu et une pseudo panne, nous retrouvons Rio Grande. Nous ne quitterons pas le terminal puisqu'un autre bus a déjà le moteur allumé et prêt à partir. Les sièges sont aux 3/4 vides, le chauffeurs sont sympas. Bingo. On se félicite d'avoir pris le temps de trouver ces cartons, ça rassure les chauffeurs et c'est vraiment plus pratique à transporter. Après 2 nuits sous tente, on retourne en ville et on se pointe à la gare de bus. Pas de bol, aujourd'hui c'est férié et tous les bus sont pleins. On a pas envie de tente le coup comme au Chili et d'attendre des heures en espérant avoir une place, alors on achète nos billets pour le lendemain et on file prendre une douche au camping ! Le lendemain on recommence, on démonte les vélos, on paie un prix dérisoire pour nos vélos et on s'installe pour regarder le paysage qui ne changera pratiquement pas sur les prochains 1500 km. Ce côté là de l'Argentine est composé principalement de vastes pleines ou rien ne pousse et que le vent balaie. Par ici, ça s'appelle la "pampa" et nous ne verront que ça pendant 24h. Arrivés dans la matinée à La Plata, à 50km du but, notre bus fait un arrêt au terminal et n'en repart plus. Au bout de 2h d'attente (!!) des passagers excéder vont demander aux chauffeurs se qui se passe. Essieux cassés, on doit se changer de véhicule pour rallier Buenos Aires ! Ok, très bien. Tout le monde descend, la compagnie fait venir 2 navettes sans soutes où il nous est clairement impossible d'embarquer avec nos vélos. Réponse des chauffeurs, démerder vous et faites la queue pour prendre les bus plus gros qui font la liaison entre les deux villes. La queue, c'est cette file de gens qui n'en fini plus et qui nous prendrait au bas mot plus de 2h, sachant que nous avons toutes nos sacoches à traîner derrière nous et deux gros cartons. Le ton monte, les chauffeurs se défilent et c'est finalement grâce à l'aide des autres passagers que nous arriverons à faire entrer les vélos dans l'allée de la navette, les sacoches entassées au fond. Buenos Aires. Enfin. Il fait beau, les vélos sont remontés et chargés, on file sur la piste cyclable jusqu'au centre et on se pose dans une auberge sympa. Nous sommes dans le quartier de San Telmo, réputé pour son ambiance "d'artiste" et on s'y sent bien. On flâne dans les rues, on chine au marché où Carlos Gardel nous fait de l'oeil, on mange dans une des nombreuses brasserie du coin ou on cuisine dans l'auberge. Samedi 1 décembre on profite de sortir puisqu'il y a en ville un festival de tango et un concert pour le Sidaction entre autre. Une avenue entière est bouclée et fermée à la circulation, 3 scènes sont installée et des centaines de couples insolitent dansent au rythme des orchestres. Des ados et des retraités, des jeans-basket et robes de soirée, les gens se mélangent et font vivre cette danse typique d'Argentine. Un régal ! Et puis le mardi 4 décembre, nous embarquons à bord d'un ferry pour traverser le Rio de la Plata qui séparent l'Argentine de l'Uruguay. Notre bateau en direction de l'Europe part depuis la capitale, Montevideo alors on préfère y arriver quelques jours en avance. On prend notre mal en patience, les voyages en cargo se fichent des horaires et comme pour notre départ de Nouvelle-Zélande, notre bateau se fait attendre. Prévu lors de notre réservation pour un départ le 3 décembre, la date de départ à par la suite jongler sans cesse entre le 5 et le 9 décembre. Depuis hier, on sait que l'on va devoir patienter jusqu'au 13 ... Affaire à suivre. L'hiver bat son plein en Europe alors on profite encore un peu de la chaleur estivale et on règle les dernières formalités avant d'embarquer pour 30 jours et de traverser l'atlantique. Prochaines nouvelles depuis le vieux continent. La Belgique sera notre "premier" pays avec ensuite le Luxembourg peut-être, la France et puis la Suisse... A bientôt ! 2 ans, 8 mois, 22 jours ...999 jours sur le calendrier, + un 18 mars 2012 qui begaye sur le bateau entre la Nouvelle Zélande et la Colombie = 1'000 jours de voyage
ContrastesOn s'était dit qu'on resterait 3 nuits à Villa O'Higgins, mais comme souvent, le confort d'une vraie maison, ajouté à la neige qui tombe presque à l'horizontale dehors met à mal notre motivation. Il doit vraiment être temps de rentrer. On en profite une nuit de plus et le temps nous donne raison. Le lendemain est froid, toujours venteux, mais c'est moins pire. Et ce 4ème jour nous aura aussi laissé le temps de recevoir les indications de Ian pour les 15 km sans route qui nous attendent pour rejoindre l'Argentine. Une petite journée humide et venteuse (je me répète) nous mène au poste frontière chilien. Accueil sympa car au fond de leur vallée, ce ne sont pas les touristes qui les embêtent trop : les derniers sont passés il y a un mois, c'était Ian justement et Andre, ceux qui nous ont filé deux ou trois indications. Entre temps ils n'ont vus que des chiliens qui viennent "visiter" leurs postes de douane (c'est assez commun visiblement et les douaniers prennent volontiers la pose pour les photos) et quelques gauchos chiliens qui vont travailler dans les estancias, les fermes argentines qui s'étendent sur des milliers d'hectares, juste de l'autre côté des montagnes. D'ailleurs, alors que le douanier tamponnait nos passeports, un de ces cow-boy arrive. Il n'a pas de jean Levis et ne fume pas de Marlboro. Une casquette et un bonnet troués s'empilent sur sa tête et nos habits paraissent flambants neuf comparés aux innombrables couches de t-shirts, pulls et pantalons qui essaient de le protéger tant bien que mal du climat. Une peau de mouton sur le dos de son cheval fait office de selle. De ce qu'on aura compris, il est parti à 2h du matin à cheval et en a eu au bas mot pour 9h de selle, visiblement pour faire renouveler un papier administratif. Il en profitera pour demander au douanier d'appeler la police à Cochrane, la "ville" à 5h de voiture d'ici, pour qu'ils aillent prévenir son frère qu'il est en vie et qu'il devrait revenir en ville dans deux mois. Son papier tamponné, il repartira directement vers l'Argentine. Il est 18h, il s'enfonce dans la forêt et on se demande bien où il va dormir ce soir. Assez amusant aussi de voir ce gaucho se faire prendre en photo par ses compatriotes de Santiago venus visités le poste pour le plaisir. Nous au moins on a une tente, des sacs de couchage et à manger. Et les douaniers nous mettent de bon coeur leur préau à disposition pour la nuit. Ils nous apporteront même du pain chaud. Ils prennent aussi le temps de nous ré-expliquer vaguement le chemin à suivre pour trouver la passerelle, passage presque obligé pour traverser la rivière Carrera, et poursuivre ensuite vers le poste argentin, situé à 10km à vol d'oiseau d'ici. Ils nous disent aussi que demain, un 4x4 devrait aller en Argentine et qu'il pourrait nous emmener. Mais après avoir pensé à cette passerelle depuis des semaines, on a pas envie de la rater. Alors on les remercie et on met le réveil, demain on part en rando. Et cette rando en résumé, ça donne : 2 petites rivières, un portail, un fermier presque pas saoul, un portail, une barrière à enjamber, une trace de cheval à suivre, un rivière à traverser, une trace de moutons à suivre, un marais infranchissable, rebrousser chemin sur 1km, re-traverser la rivière, remonter un peu, re-re-traverser la rivière, un marais à franchir cette fois, un talus à monter, les chaussettes mouillées et les godasses boueuses depuis la traversée du marais, 1km presque sans problème, 2km dans les broussailles pour enfin voir LA passerelle ! Pour la passer : descendre le talus, enjamber deux barrières, enlever encore tous les bagages des vélos, tourner les guidons car la passerelle est trop étroite, prendre 4 sacoches d'un coup, entendre la passerelle craquer, reposer tout de suite 2 sacoches, faire 3 voyages chacun, encore une petite barrière et voilà ! Là, on a fait la moitié, c'est l'heure du pique-nique. Ensuite : 2km sur les galets, un raccourci en suivant une trace de cheval, une forêt un peu trop dense, un marais beaucoup trop humide, rebrousser chemin sur 1km, contourner la forêt, encore une rivière à traverser, non pas là c'est trop profond, là c'est mieux, encore une trace de cheval, Ah ! On dirait une trace de pneu !, une balade en forêt, un ruisseau, encore décharger les bagages pour passer une rivière, se réchauffer les jambes après un bain revigorant, un portail, viser le panneau rouge au fond du champ, encore décharger les vélos pour passer la barrière, un dernier ruisseau et voilà ! Le poste argentin est déjà là et il est même pas 17h ! 15km en 8h, on a vu mieux, mais aussi bien pire. C'est l'avantage de s'attendre au pire, les choses paraissent plus simples. Merci quand même au GPS ... Contraste linguistique Le poste argentin est encore plus paumé que le poste chilien. 150km de piste avant le premier village. Les douaniers ne portent même pas l'uniforme et le poste ressemble plus à une ferme avec les chevaux, chiens, poules, vaches dont les douaniers s'occupent. Les trois chanceux en poste ici vivent en autarcie pendant sûrement plusieurs semaines. Il tamponnent nos passeports dans leur salle à manger, après avoir nettoyer les restes du repas de midi qui encombraient la table. Mais eux aussi sont sympas, ils nous servent à boire et on campera aussi juste dans leur jardin. On en profite pour se refaire l'oreille à l'accent argentin. Tous les pays avant le Chili parlait un espagnol plus ou moins conventionnel, mais autant le Chili que l'Argentine ont inventé leurs propres variations. Côté chilien, ils se sont dis que les "s" ne servaient à rien et ils ne les prononcent presque jamais et les argentins eux, n'aiment pas les "y" et "ll" (qui se prononcent presque pareil). "Yo me llamo" (je m'appelle) se transforme donc en "Cho me chamo". Pas facile de jongler de l'un à l'autre. Mis à part ça rien ne change encore vraiment : l'eau est encore limpide (on la boit directement du ruisseau, sans traitement), les arbres encore vert et les animaux encore nombreux. Des milliers d'oiseaux, canards, oies sauvages, encore des condors (presque une 20aine dans la matinée) et même des flamands roses. Des vaches et des moutons aussi, éparpillées à des kilomètres à la ronde des 2 ou 3 fermes de la régions. Contraste éolien Mais une fois le col passé, tout change d'un coup. Plus d'arbre, l'eau des rivières devient trouble et les oiseaux ont désertés le ciel. Seul reste le vent. Bienvenue dans la pampa argentine. J'avais utilisé le mot "inimaginable" dans le dernier article pour qualifier le vent qui nous suivait. On ne m'y reprendra plus. Tous les jours de vent qu'on a eu depuis 2 ans et demi était au mieux des petites brises rafraîchissantes comparés à ce qu'on vit maintenant depuis presque 10 jours. Ce premier jour en Argentine, j'arriverai à faire 8km de piste sans donner un seul coup de pédale, à 25km/h de moyenne. Et après 100km, on retrouve le goudron pour 50km. Ils seront avalés dans la foulée à plus de 40km/h de moyenne, sans forcer, en papotant puisque même à cette vitesse, nous n'avons toujours pas un brin d'air qui vient siffler dans nos oreilles. Après 152km, on tombe sur le premier coin camping depuis 40km. La maison en ruine est taguée "No Acampar !" (ne pas camper) mais comme tous les cyclos qui ont du s'arrêter là avant, on a pas trop le choix, alors on va se cacher un peu dans les bois. Mais à 22h, quand la nuit vient juste de tomber, on comprend soudain le pourquoi de cet avertissement. Deux voitures se garent à moins de 20m de la tente, sans nous voir et commence à transvaser des trucs d'un coffre à l'autre. Nous on fait les morts, on ose plus bouger un petit doigt. 10 min plus tard, les coffres se referment et les voitures partent. On a des crampes dans les mollets mais on a rarement eu aussi peur! OUF !!!! C'était long, très très long et on est bien content de ne pas savoir ce qu'ils faisaient. Le reste de la nuit se passera bien. Dans nos rêves on essaie d'imaginer ce que ça doit être de faire du vélo avec le même vent qu'aujourd'hui, mais de face.On n'aura pas du attendre longtemps avant d'avoir la réponse. Le lendemain, changement de cap, au sud ouest. Le vent lui, ne change pas, il est même encore plus fort si on en croit les bourrasques qui viennent secouer la tente qui pourtant ne bougeait pas la veille. 10km la première heure, c'est pas trop mal mais Lydie en bave pour rester sur son vélo. Trop légère, le vent de côté lui fait déraper la route arrière ou bien l'envoie dans le décor quand une bourrasque se prend dans ses sacoches avant. C'est un peu plus facile pour moi avec mes 150kg de poids total roulant qui me lestent au sol. Mais la route tourne encore plus vers l'ouest et vers 11h, comme tous les jours, le vent forci encore. La zone roulable sur la piste est trop étroite et ne nous permet aucun écart pour encaisser les bourrasques. Lydie se fait plaquer 2 fois. Bien comme il faut. Son coude s'en souvient encore et son rétro n'a pas survécu. Ce n'est plus possible de rouler. Plus le choix, on se met à pousser. Sans trop réfléchir au début, mais rapidement on se rend compte qu'à 3km/h les 20km de cette ligne droite vont nous prendre la journée. Et même une grosse, grosse, journée. En plus, rien ne nous dit qu'il y a un coin à l'abri au bout de cette ligne droite et pas question de planter la tente au milieu de nulle part, le vent ne s'arrête pas vraiment la nuit. Sans même parler des 150km qu'il reste jusqu'au prochain village, une semaine à ce rythme là, alors qu'on a seulement 3 jours de nourriture. C'est pas la joie. Nos espoirs de finir le voyage tout en vélo jusqu'à Ushuaia sont réduit à néant en l'espace d'une heure. Contraste humain Déjà deux heures qu'on pousse et les 4 premières voitures qu'on voit vont dans l'autre sens. Les 3 premières ne font pas cas de nous. Elles ralentissent et s'écartent un peu. On ne verra même que l'objectif de l'appareil photo d'un couple de parisien en 4x4. Un pouce en l'air tout de même, mais pas une parole et la figure bien cachée derrière les vitres. Le conducteur de la 4eme mérite qu'on parle de lui. (Note : ceux qui en ont marre de m'entendre critiquer la sacro-sainte voiture devrait sauter ce paragraphe.) Comme les autres, lui aussi nous a en ligne de mire depuis au moins 4km sur cette ligne droite, lui aussi nous voit titubant en train de pousser nos vélos, lui aussi, comme nous, est à plus de 150km de la première bourgade. Enfin, lui aussi doit faire avec une piste faite de sable et de galets parfois gros comme des poings, de 10m de large certes mais qui n'a que 2 petites bandes sur lesquelles il est possible de marcher sans rouler sur les galets. Sauf que lui il a 4 roues, un gros moteur qui fait vroum vroum et il ne veut sûrement pas se laisser emmerder par ces connards de cyclistes qui viennent faire les guignols par là. C'est vrai ça ! Y'en a marre de perdre 6 secondes pour ralentir et se décaler un peu ! Alors 300m avant impact, il commence à faire des appels de phares. Nous on avance toujours en ligne, occupant une moitié de la zone roulable. Sortir de la trace ça nous demande environ 2 minutes montre en main, le temps de quasiment porter les vélos par dessus les cailloux, tout en gardant l'équilibre avec le vent. Soit l'équivalent d'énergie d'une plaquette de chocolat, si on arrive à éviter les crampes pendant la manoeuvre. Et en plus si on se pousse, il ne ralentira pas et on va se prendre des pierres plein la gueule. Et comment il fait quand il doit croiser une autre voiture ou un camion ? 200m avant impact il commence à klaxonner. Là je m'arrête et je lui montre qu'il a environ 7m de marge sur sa droite pour passer. Avec ses 4 roues, les cailloux ne sont pas vraiment un problème pour lui. 100m avant impact, il est encore au moins à 80km/h, les cailloux giclent de tous les côtés de ses roues et il se met à faire des grands gestes genre "Dégage de là !" et je vois ses lèvres s'agiter pour nous brailler des amabilités. Comme si il n'avait plus de freins. J'ai presque le doute. Mais on reste sur place, de toutes manière c'est trop tard pour se pousser et je lui montre qu'il a toujours autant de place pour se pousser lui aussi. 50m avant impact il se rend compte qu'on a pas vraiment l'intention de se pousser et il se rappelle soudain que toutes les voitures ont une pédale qui sert à faire diminuer la vitesse. Moi je ramasse des pierres pour lui montrer mon problème. Une lueur dans mon cerveau m'empêche de les lancer. Mais lui il s'est senti menacé (oui c'est nous les gens dangereux dans l'historie) alors là il se décide à planter les freins et à ouvrir sa fenêtre pour m'insulter un peu. J'essaie donc de lui expliquer que c'est un peu plus compliquer pour moi que pour lui de se pousser. Lui me répondra que c'est une route et qu'on a rien à faire ici. Mais bien sûr. 2 ou 3 insultes plus tard, je renverse malencontreusement ma gourde en plein dans sa sale gueule figure. C'est de l'eau, ça fait moins de mal que les cailloux que les voitures nous balancent sur ce genre de piste à longueur de journée et je me disais que ça pouvait lui éclaircir les idées. Mais alors là c'est sûr, maintenant, c'est moi le gros gros méchant. Forcément ça ne lui plaît pas alors il sort de sa voiture. Le vent manque d'un rien d'arracher sa portière. Par contre son beau chapeau se retrouve à plus de 100 mètre en moins de 4 secondes (100km/h de vent c'est 27 mètres par seconde) et vu qu'il se croit plus rapide qu'Usain Bolt, il se met à courir après. Bon débarras. Sinon, oui, merci tout va bien, non on a pas de problème technique et on a assez d'eau, merci de demander. Les 10 minutes suivantes, on reste hallucinés par ce qui vient de se passer. Je le tourne et retourne dans ma tête, j'ai toujours du mal à comprendre ce qui s'est passé dans la tête de ce gars au moment où il nous a vu. Dans sa bagnole, complètement déconnecté du lieu où il se trouve, complètement déconnecté de ce qu'il se passe à l'extérieur, tout ce qu'il compte pour lui c'est d'avoir la route pour lui tout seul. Et pourtant quand il y a une bagnole en face, il doit bien se pousser non ? Mais nous on est en vélo, on est des moins que rien, on doit dégager. Et ben non. Ca ne marche pas comme ça. Et j'espère que celui-là repensera à son chapeau et à son visage humide la prochaine fois qu'il verra des cyclos. Cette piste me rappelle aussi une étape de mon voyage en Mauritanie. De Atar à Chinguetti, 100km de piste sablonneuse avec le vent de face aussi. Ce jour là je crois bien que 9 voitures sur 10 s'étaient arrêtées d'elles mêmes pour savoir si tout allait bien pour moi. J'ai eu de l'eau fraîche 3 fois dans l'étape sans rien demander. Ici non. On est pas en Afrique, ici c'est le monde moderne, tout le monde est pressé. C'est chacun pour sa peau. Je caricature, mais difficile de faire autrement après ça. On ne demande pas l'aumône, certainement pas. On demande juste que les conducteurs nous traitent un peu mieux que des chiens. Il nous arrive même d'être jaloux quand on voit les précautions que certains prennent avec les chiens justement. 30 min plus tard, je manque de me luxer l'épaule en retenant mon vélo sur lequel vient de s'écraser une bourrasque plus forte que les autres. On jette chacun notre tour un coup d'oeil derrière notre épaule. Juste au cas où. Et soudain au loin on voit la première voiture qui va dans le bon sens. Alors on s'arrête et un vote à main levé rapide entérine la décision de faire du stop. Le conducteur précédent a dû concentrer à lui tout seul toute la connerie humaine à 200km à la ronde, alors nos chances sont bonnes. On aura à peine le temps d'esquisser un mouvement et le véhicule s'arrête. Analyse de la situation rapide : c'est un pick-up, c'est bon pour les vélos, il est chargé, mais c'est jouable et il doit même resté un peu de place sur la banquette arrière. Le chauffeur baisse sa vitre et une minute plus tard, Daniel et son copain Juan sont en train de nous aider à charger notre barda. 2 minutes de plus et nous voilà entassés, certes, mais à l'abri et en route vers le prochain village, à 3h de là en voiture, à une semaine en vélo. Vent : 1 - Eric et Lydie : 0 Quelques heures pour discuter de leur vie dans les chantiers de constructions de routes, de gastronomie argentine et nous voilà déjà à Tres Lagos. On attend 17h30, l'heure à laquelle réouvre le magasin après la pause de midi (!!) et on rachète des vivres en prévision de la route. 180km jusqu'à El Calafate, toujours contre le vent, mais avec du goudron cette fois. Ca devrait le faire. Un nuit au camping et on repart sur-motivés. 13km plus loin, la motivation est déjà retombée. Lydie vient de manquer de se faire shooter par la seule voiture de la matinée qui nous a doublé d'un peu trop près pendant une bourrasque. On ne peut à nouveau plus rouler puisque qu'on risque à tout moment de finir au milieu de la chaussée. Et on se retrouve au même rythme qu'hier: on pousse les vélos à 3km/h, sur du plat mais sur le goudron cette fois. La moindre flaque d'eau fait des vagues de plusieurs centimètre de hauteur, tous les oiseaux et insectes sont cloués au sol. Vent force 9 ou 10, difficile à dire. Parfois c'est nous qui retenons les vélos, le reste du temps ce sont les vélos qui nous retiennent. La route est un peu moins rectiligne alors on garde espoir d'avancer un peu mieux et de pouvoir trouver des endroits pour se planquer le soir. Enfin, on essaie de se faire croire qu'on a espoir. On marche encore 1 heure. Vers 13h, Nestor et Omar s'arrêtent pour nous demander ce qui nous arrive. Petite explication rapide et ils nous proposent tout de suite de nous emmener un peu plus loin, genre, 150km. C'était pas prévu, mais on doit bien avouer qu'on a pas beaucoup d'arguments sous la main pour refuser leur offre. On ne se sent pas vraiment à notre place avec nos vélos par là. Le vent est un peu trop hostile en ce moment. Les arbres et les animaux l'ont bien compris, on va suivre leur exemple et aller voir ailleurs. Vent : 2 - Eric et Lydie : 0 La route, c'est tout droit, une bourrasque m'a fait dévier, j'ai juste eu le temps de serrer les freins. Une demi seconde plus tard et je me fracassais dans la rambarde alors que je roulais à 4km/h.
Vent : 2 - Eric et Lydie : 1 Une nuit au camping permet de calmer l'ambiance orageuse. Le matin, le vent aussi s'est calmé et nous donne même des envie d'aller voir l'attraction incontournable du coin en vélo : 80km pour aller au Glacier Perito Moreno. On vérifie quand même les prévisions météo, le vent devrait venir, mais vers 15h seulement et 3 fois moins fort qu'hier. On plie tout, on charge les mules, 2-3 courses et à 11h45 on sort de la ville. 12h05, quelqu'un a rebranché la prise, la soufflerie est à nouveau à puissance maximale. C'est un coup bas. Demi tour, retour au camping. Vent : 3 - Eric et Lydie : 1 On doit donc se résigner à aller admirer la bête en bus. L'occasion de prendre conscience qu'on est à nouveau dans un vrai zoo touristique. Quelques indices en vrac : - Jusque là en Argentine on pouvait retirer au moins 400$ au distributeur automatique de n'importe quelle banque. Ici, toutes les banques se sont mises d'accord, c'est 200$ max, ça fait plus de commissions. Et ils se sont même mis d'accord avec le supermarché qui est le seul rencontré jusque là qui n'accepte pas les cartes de crédit. - Pour le trajet en bus, tout le monde te le dis en ville, le tarif c'est 140 pesos par personne, 30$. Pas le choix, toutes les compagnies se sont mise d'accord et ne s'en cache pas le moins du monde. Bon en cherchant bien à la gare de bus, un vilain petit canard à le culot de proposer le même ticket à 120 pesos. Banco. - Le gouvernement local raque aussi là où il peut et impose depuis le mois de mars 2012 une taxe de 5 pesos par personne pour utilisation du terminal de bus. C'est vraiment pas cher (1$) mais multiplié par 350'000 visiteurs annuels on arrive presque à comprendre que eux aussi veulent leur part de gâteau. - Le glacier est dans un Parc National, payant. 20$ l'entrée. Un peu cher, mais pas le choix. Pour les Argentins, c'est 8 et les autres pays d'amérique du sud, c'est 14. Là on se sent un peu comme une vache à lait quand même, parce que le niveau de vie Argentin n'a pas grand chose à envier au niveau de vie européen. Passons. - En route, le chauffeur nous montre le seul logement disponible dans l'enceinte du Parc National : un hôtel à 1'200$ par personne et par nuit. Toutes les chambres et toilettes ont soit disant vue sur le Glacier. Là, je commence à me dire que le but de ce Parc National n'est plus tellement de protéger la nature mais plutôt d'en tirer un maximum de fric. En plus, à l'office de tourisme, on nous a indiqué que les campings du parc ont été fermés cette année. On n'a pas pu savoir pourquoi mais le dépliant du parc qui date de l'année précédente donne un indice quand même : on peut y lire un discours très juste sur l'impact des campeurs sur la nature : il faut faire attention de ne pas polluer l'eau, ne pas laisser de traces et revenir avec ses déchets. Très bien. Sauf que tout ça, la majorité des campeurs, le font, plus ou moins bien certes, mais sûrement beaucoup mieux que le client de l'hôtel à 2'400$, qui reste pourtant le seul à pouvoir loger ici. A la louche, une chambre dans un hôtel de standing consomme 200 litres d'eau par jour. Et ce n'est pas pour la boire. Pour ça ils ont de l'eau en bouteille avec des bulles, mais pour se faire des shampoings, tirer la chasse d'eau, laver les draps tous les jours, laver la jolie salle du restaurant, les véhicules de courtoisie, etc etc ... 200 litres d'eau par jour qui retournent dans le sol avec un bon paquet de détergents et autres substances (je doute que les égouts soit arrivés ici, à 80km de la ville). Et au prix de la chambre, je doute aussi qu'on se permette de faire la morale au client quand on lui donne sa clé à la réception. Donc sensibiliser, 100% d'accord, encore faudrait-il que tout le monde le soit de la même façon. - Arrivés sur place, quelques tonnes de ferrailles permettent à tout le monde d'accéder aux points de vue sans se salir les chaussures dans la boue et comme il pleut souvent (aujourd'hui par exemple), il y a même une immense cafeteria - restaurant pour se mettre à l'abri, un magasin de souvenir et des toilettes en marbre (gratuites!). Là, pas de problème pour raser des arbres, bétonner un peu et gaspiller encore de l'eau et de l'électricité. Tiens, c'est le groupe électrogène que j'entends au loin ? Mais tout va bien, les méchants campeurs pollueurs sont interdits de séjour cette année. Décidément, en étant campeurs à vélo, on a rien pour nous par là ... Le glacier est magnifique mais je trouve que l'organisation tout autour est totalement anachronique. Un tel phénomène naturel mériterait un peu plus de sensibilisation et un peu moins de mise en scène. Tous les alentours sont domestiqués à l'extrême et on se croirait finalement dans un musée. Tu viens en roupillant dans le bus, tu paies, tu prends ta photo, t'es content, tu remontes dans le bus, merci au revoir. La nature ? Quelle nature ? Pas un seul panneau d'explication sur la chronologie de formation du glacier, sur ses évolutions, sur son éventuelle protection, sur les montagnes aux alentours. Juste des panneaux qui te disent d'où prendre des jolies photos pour épater tes amis. Un peu triste. On repart dans notre bus et on fait comme tout le monde, on s'endort, bercés par la pluie qui tombe toujours dehors. Une fois revenu de cette visite, on ressent un peu un vide. C'était la dernière fois qu'on faisait un détour conséquent pour aller visiter quelque chose. Le prochain objectif maintenant, c'est Ushuaia. C'est la fin. Depuis quelques semaines, je passe de plus en plus de temps sur mon vélo à imaginer ce moment où enfin on verra ce panneau mythique : Ushuaia - Fin del Mundo. Ca ne sert à rien, mais impossible de me sortir ce moment de la tête, qui marquera la fin de presque 3 ans sur la route. La fin de quelque chose qui nous paraissait complètement impossible. Les jours suivants, la route va un peu plus dans le sens du vent et on trouve refuge auprès des postes de chantiers routiers. Alors qu'on plantait la tente, Umberto insiste pour nous loger dans une cabane de chantier et offre même de partager son repas du soir avec lui, la spécialité locale, des côtes d'agneau grillées au four. Royal. Une journée de pluie glaciale plus tard, on repasse au Chili pour la troisième fois. Les officiers sont toujours aussi sympas avec nous malgré les strictes réglementations sur l'importation de nourriture. La descente se fait sous le soleil et on arrive finalement tout secs à Puerto Natales. Il fait maintenant jour de 5h du matin à presque 22h le soir. Ca nous donne l'impression d'être constamment en décalage horaire. On ne s'y fait pas. Ushuaia - 700km On ne s'y fait pas non plus. 10 jours de vélo, à peine. Et une grosse boule dans le ventre. |