Hors des sentiers battus ...

Nous quittons la capitale de Nouvelle-Zélande un dimanche au petit matin. Les rues sont désertes et on arrive en avance au port pour embarquer à bord du Bluebridge (le Pont Bleu) pour une petite croisière de 3h en direction de l'île du sud. Le prospectus de la compagnie fait l'éloge de cette traversée comme étant "une des plus belle croisière de moins de 3h du monde". On se croirait presque en Malaisie, à la recherche du "plus haut - plus beau - plus fort". Nous on profitera surtout des canapés à l'abri du vent pour faire un somme, la nuit d'hier ayant été bien courte à refaire le monde avec Megan.

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Arrivés à Picton, on laisse bien tranquillement débarquer avant nous les dizaines de vans et camping-cars qui se pressent et après un passage au supermarché on file en direction de Blenheim où nous attendent Sue et Dennis de la communauté Warmshowers. Un lit, une douche chaude et une tarte au poulet sur la table mais aussi un vrai partage et pour nous l'occasion à nouveau de découvrir la vie des habitants vu de l'intérieur.
Avec un détail en plus pour cette fois, puisque Dennis est aveugle et Sue est malvoyante. Nous sommes impressionnés par la facilité de Dennis qui met la table et prépare à manger après avoir fait 25 km à vélo avec Eric. En tandem bien sûr. Sue avait pour habitude de piloter le vélo mais depuis que sa vue s'est détériorée elle n'est plus en mesure d'assurer leurs sécurité. En faisant partie de Warmshower, ils entretiennent la bonne réputation hospitalière des Kiwis tout en profitant d'un petit tour en tandem ! Très belle expérience, Sue et Dennis nous ont marqués par leurs joie de vivre, leur optimisme et ils seront dans nos pensées les jours qui suivent.

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Pour notre itinéraire sur l'île du sud, nous avons décidé d'appliquer le plan: "route orange." Notre carte étant très précise, les routes principales très fréquentées sont en rouge, les routes non-goudronnées et donc pratiquement désertes sont en oranges. On décide donc qu'à chaque fois que cela sera possible, on évitera les rouges et emprunterons plutôt les oranges. Pour notre santé morale et pour notre sécurité !

Molesworth Station
Et les jours qui suivent, on les passera sur une piste qui traverse la plus grande ferme de Nouvelle-Zélande. Pas moins de 300 km de tranquillité, loin de la circulation, des chauffards mais aussi des supermarchés. Nous avons avec nous des réserves pour 4 jours, cela n'était plus arrivé depuis la Stuart Highway dans le centre de l'Australie. Nous passerons les jours suivants avec pour seule compagnie quelques moutons mérino, les aller-retour du ranger et des cyclos !

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La route est vallonnée, goudronnée sur quelques portions au début puis nous laisse enfin une douce impression de liberté. On se cache du vent pour monter la tente, on se lave dans la rivière et on profite du ciel étoilé pour se remémorer les mois passés sur la route ...

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Il nous faudra bien 3 jours et plus de 3500 mètres de dénivelé pour rejoindre Hanmer Spring et retrouver la civilisation. 3 jours de montagnes, de rivières et de camping sauvage sans barbelés ... Un "presque" paradis cyclo (presque, parce que infesté de sandfiles) ;)  Vincent et Sabine partis devant nous laissent des messages sur la route pour nous indiquer le jour et l'heure de leur passage. Eux font les détours pour aller voir les points de vue, nous on se contente de tracer et on finira par les rattraper et rouler ensemble encore pour quelques jours.

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Côte Ouest
Hanmer Spring, célèbre pour ses sources d'eau chaude et ses bains ou nous ne ferons pas halte. Le supermarché de la "ville" retiendra toute notre attention et on se lance pour la traversée de la "haute montagne" en direction de Greymouth, sur la côte ouest. Je dis "haute" et "montagne" mais même si ça grimpe pas mal pendant les jours qui suivent, on ira jamais bien plus haut que 1000 mètres. La réputation de la côte ouest la précède, et pendant les jours qui suivent nous seront littéralement envahis par les sandfiles. Elles nous attaquent à chaque arrêts et nous sommes obligés de nous couvrir de la tête au pied dans un look assez ridicule de chaussettes-par-dessus-le-pantalon et de nous couvrir de produit anti-bête-qui-piquent tellement concentré qu'il déteint les habits ...

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Chaque pause, chaque soirée et chaque matin devient pénible à vivre, et on se demande bien comment on pourra supporter de faire la route jusqu'aux glaciers (Franz Josef et Fox de leurs prénoms) quelques 400 km plus au sud. Au minimum 5 jours à supporter ces bestioles. Le deuxième soir, nous ne sommes plus tout à fait sûr de pouvoir tenir et on pense même à prendre un bus pour abréger le supplice. Que de beaux mots direz-vous, mais aussi petites soient-elles, ces bêtes volantes nous pourrissent la vie et on ne pense qu'à ça ! Mais on ne se démonte pas pour autant, ce serait mal nous connaître ! Alors on roule, contre le vent, en cherchant un coin à camper entre les barrières et en prenant notre mal en patience.

Franz Josef et Fox
On retrouve la mer et on arrive finalement dans un de ces endroits du monde, où la glace tombe presque dans la mer et où tout le monde veut l'admirer ! On profite d'être dans le coin pour se payer une journée de repos dans le fameux camping à 20 euros le mètre carré. Le temps de faire 6h de marche dans la forêt, histoire d'apporcher le glacier sans dépenser les quelques 180$ par personne pour avoir le privilège de marcher sur le glacier avec un guide. Quand on rentre, je demanderai à mon papa de nous emmener dans les Alpes, ça coûtera bien moins cher ! ;)

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La balade nous fait grimper dans la forêt et on est presque les seuls alors qu'aujourd'hui il fait grand beau. Seul le va et viens incessant des hélicoptères gâche un peu la tranquillité du lieu, mais la vue sur cette rivière de glace n'en n'est pas gâchée pour autant.

Hors des sentiers battus ?
On reprend ensuite la route en direction de Wanaka, en passant encore vite fait voir le deuxième glacier de la région, Fox. Des dizaines de touristes venus en car débarquent alors que nous pique-niquons à l'abri du vent sur le parking. Sur tous les bus des différentes compagnies concurrentes des autocollants vantant le tour le plus authentique, le plus vert, le plus challenging, le plus "off the beaten track" - hors des sentiers battus. Ça nous laisse perplexe quand on voit quelques jeunes filles descendre du bus en talon aiguille pour aller faire la marche de 40 minutes pour accéder au pied du glacier. Ces tours opérateurs qui vendent de l'aventure à toutes les sauces et où finalement tout le monde se retrouve au même endroit. Comme quoi là encore tout est une question de marketing et je suis perplexe quant à mon avenir professionnel. Le monde est maintenant grillagé, structuré, accompagné ... Difficile de vraiment sortir des sentiers battus et de vraiment partir à la découverte d'endroits peu courus. C'est dans ces cas là que nous sommes très heureux de posséder notre propre moyen de transport. Personne pour nous donner des horaires ou nous imposer des pauses et au contraire, on s'arrête quand on veut et aussi longtemps qu'on le souhaite.

Queenstown
Le 30 janvier, on arrive dans ce qui ressemble à une vrai ville (11'000 habitants) et nous passerons 2 jours à nous reposer chez Melissa et Simon. Parents de deux adolescents, ils ont fait plus de 5000 km tous ensemble l'an passé dans les contrées Canadiennes. On plante notre tente dans leur jardin, on suit attentivement la visite de leur verger, de leur poulailler et de leurs ruches et on prendra même le temps de regarder le premier épisode du Seigneur des anneaux !

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Queenstown c'est "la" capitale de l'aventure par excellence. Bâtie autour du lac Wakatipu avec des vues magnifiques des montagnes (Les Remarkables, ça ne s'invente pas!) où l'ont peux skier en hiver (mais nous sommes en été !) L'aventure ici, se décline à toute les sauces et surtout pour ceux qui ont plus de 200$ à dépenser par jour pour leurs loisir. Saut en parachute, à l'élastique, rafting, hors-bord... Tout y passe, et ce sont des jeunes ultra-branchés qui font marcher les commerces du coin.

Walter Peak et Mt Nicholas
Pour nous, vous l'aurez deviné, ni hors-bord, ni saut en parachute, on préfère prendre un vieux bateau à vapeur et traverser le lac Wakatipu pour rejoindre le début d'une piste doit nous conduire pas très loin de Te Anau. Bon ... 1$ la minute de bateau par personne quand même, touristique on avait dit !

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On croisera deux autres cyclos et une voiture le long de ces 90 km non-goudronnés et on profitera de paysages très clichés (montagnes-lacs-moutons) La route est belle et tranquille, on ne regrette finalement pas d'avoir payé les $35 pour traverser avec le vieux rafiot. Parfois il faut se donner un peu de peine, et aujourd'hui on est surtout contents de profiter une fois de plus de la tranquillité de la campagne.

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Doubtful Sounds et Percy Saddle
Avant d'arriver dans la région des fjords du sud, nous rêvions de pouvoir louer des kayaks et de faire sur l'eau ce que d'habitude nous faisons sur 2 roues. Partir 2 ou 3 jours avec des vivres et notre tente et se balader dans les bras de mer entourés de montagnes. Mais voilà, ici tout est bien encadré, programmé et cadenassé : si nous voulons pagayer sur Milford ou Doubtful Sound, il nous faudrait débourser presque 200$ par personne et par jour pour un tour guidé, sans compter les repas. Pas de location possible sans guide. Glupps.... Ce n'est évidemment pas dans notre budget. Une petite virée de 3 jours nous coûterait l'équivalent d'un mois de budget sur la route... Alors non, on en avait très envie, il parait que c'est magnifique mais on ne peux vraiment pas se le permettre.
Mais, parce qu'il y a un mais, on est dans une région spéciale et ce n'est pas tous les jours qu'on peut approcher des fjords de près. Alors on esquisse un plan B.
Et même aujourd'hui j'ai de la peine à juger si c'était vraiment un bonne idée. L'attaque est lancée le samedi 4 février au matin, on se rend à vélo au petit port de Manapouri au bord du lac du même nom. De là on prend un bateau jusque de l'autre côté du lac (toujours 1$ la minute) en compagnie de 60 autres touristes qu'un bus attend de l'autre côté, où se trouve la plus grande station hydro-électrique de Nouvelle-Zélande.

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Jusque là, c'est les doigts dans le nez.  Pour nous pas de bus évidement et pour aller à la mer, ce sera donc 22km et 700 mètres de dénivelé dans le brouillard pour atteindre Deep Cove, de l'autre côté de la montagne et ne rien voir du tout (ou presque) du fjord. Un peu déçus, on trouve quand même un chouette coin camping au pied d'une cascade et on se couche en espérant que le temps sera découvert demain. On aura entre temps bravement résisté à l'appel d'une douche chaude et d'un lit proposé par le gérant de la seule auberge du lieu ; de toutes manières on va transpirer aussi demain. Le lendemain justement, coup de bol, une fois qu'on a fait le chemin dans l'autre sens et qu'on rejoint le sommet pour la deuxième fois, on mange notre repas de midi avec une vue comme rarement. L'ambiance est calme et on profite vraiment de ce moment privilégié.

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Et puis évidemment, ça se corse. Une fois de retour à la station électrique le plan c'est de ne pas reprendre le bateau et on s'engage sur la piste pour rejoindre Borland Lodge, à moins de 70 km de là. Nous avons des réserves pour 4 jours, on se dit que c'est largement jouable. Sur notre carte, la piste se transforme en chemin de VTT et c'est indiqué sur notre brochure touristique, l'accès est réservé aux cyclistes et il se peut qu'on doive porter les vélos pendant 1h. Etant donnés tous les avertissement inutiles vus lors de nos dernières randos, on se dit que ça doit vraiment pas être si terrible, même pas un panneau danger à l'horizon ! Alors on se lance et après avoir pousser les vélos sur presque 6 km (et plus de 1000 mètres de dénivelé!) on part en repérage pour voir à quelle sauce on sera mangé le lendemain. Et là, en regardant en contre bas depuis le sommet, on se dit qu'on a un petit problème. On voit bien la route qui continue là-bas au fond de la vallée, mais entre elle et nous, il y a environ 1 km de forêt et histoire de bien débuter, une bonne petite pente bien raide agrémentée d'un pierrier. Pourtant on voit aussi les petites flèches oranges, typiques des chemins de randonnées et aussi des traces de roues, preuve que d'autres cyclos sont déjà passés par là avant nous. On se donne la nuit pour réfléchir, rebrousser chemin ou tenter de passer quand même. Une soirée tranquille à regarder la lune, faire du pain et réfléchir à comment faire demain.
Je ne sais pas si la nuit porte conseil ou pas, mais en se réveillant, on se dit qu'on a pas du tout envie de repayer les $43 par personne pour retourner à Manapouri en bateau, alors on commence à descendre en suivant tant bien que mal le sentier et en ajoutant quelques cairns en route pour faciliter le passage des suivants. On débute avec 3 sacoches chacun, histoire de ne pas perdre l'équilibre. On descend pendant 20 minutes puis on remonte chercher le reste de nos bagages, puis un nouveau voyage pour les vélos. Au bout d'une heure, on arrive à la fameuse flèche orange qu'on voyait depuis en haut, mais nous ne le savons encore pas, la journée est loin d'être finie ...

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Le chemin est très peu emprunté, avec pour conséquence des éboulements et des arbres couchés par des avalanches. Le tout bloque le chemin et rend la recherche des petites flèches orange assez longue. Je repense au: vous devrez "peut-être" porter vos vélos pendant 1h.

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Partis à 10h15 du haut du Percy Saddle (la selle de percy), ce n'est qu'à 17h45 qu'on atteindra à nouveau un chemin digne de ce nom où les vélos pourront rouler AVEC les sacoches DESSUS ! 6h d'effort (et 1h30 de pause) à porter toutes nos affaires à bout de bras, à bouger des pierres, à couper des branches et même des arbres qui barraient la route et à se demander comment une brochure touristique peut suggérer un tel itinéraire même avec un simple vélo.

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L'échelle du danger n'est vraiment pas la même selon les endroits ...

Le 7 février, pour la première fois depuis plus de 48h, on recroise des êtres humains. Cela ne nous était jamais arrivés en 2 ans de voyage : jamais nous n'avions passé autant de temps seuls. Ni au Kirghyzstan, ni sur la route 66 du Cambodge, ni même sur l'immense Stuart Highway dans le désert Australien (qui n'en est donc pas un).

Ça amuse beaucoup Eric, ravi de pouvoir faire quelque chose de différent de d'habitude, de tester ses limites et de "sortir des sentiers battus" ! C'est ce qu'on voulait, non ??? ;)

Et bien aujourd'hui de Invercargill où nous nous reposons depuis 2 jours, je n'arrive toujours pas à me décider si oui ou non j'ai apprécié notre petite escapade. Mes courbatures commencent tout juste à passer et l'effort physique aura été un des plus dur que j'ai eu à faire de toute ma vie.

Avec la chaleur du Turkménistan...

Avec la neige au Kirghyzstan...

Avec le Bromo en Indonésie...


Bon ok ... finalement c'était quand même bien cool ... !

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PS: On a plus de 1300 photos à trier, commenter et mettre en ligne... Patience, ça viendra !