2 vélos ... 3 péquenots ... Part 2


Après des mois d'attente, les fans n'en peuvent plus ... (ou bien ils ont oubliés ? )

Mais voilà ... Ca y est ... The wait is over ... Le deuxième opus des aventures Ouzbèques de "Un tour en vélo ... featuring Marc Sivignon" est dans les bacs ...

Pour ceux qui veulent se remettre dans le mouv' du premier opus, c'est ici que ça se passe ...



Après une longue pause, reprenons notre voyage dans l'espace et le temps pour retrouver les trois péquenots et leurs deux vélos là où nous les avions laissé, à Bukhara en Ouzbékistan.


J'avais laissé deux ou trois choses en suspend au début de la première partie. La première était la fête nationale ouzbèque qui a lieu durant la première semaine de septembre. La deuxième concernait les voyages en bus. Hardis que nous sommes, nous avons fait pour vous le test de combiner ces deux choses...

Commençant à avoir assez vu les mozaïques de Bukhara, il était temps de continuer notre périple plus à l'Est. Direction Samarcande, lieu emblématique de l'Asie Centrale. Environ 300 km à parcourir, l'affaire de quelques heures le temps de trouver un bus qui veuille bien de nous, et surtout des vélos. On avait bien entendu, ça et là, des rumeurs comme quoi la circulation était impossible ce jour-là, en raison de la visite du président Karimov. Elles venaient surtout de notre hébergeur les rumeurs, vous comprenez, il est plus sûr d'attendre le lendemain pour partir, et donc de passer une nuit de plus sur place... Mais il en aurait fallu plus que ça pour nous arrêter. Nous partons donc confiants par cette belle matinée, d'abord en direction du marché pour visiter et faire le ravitaillement. C'est là que nous découvrons que les grands axes sont effectivement fermés par des barrages de marshrutkas (ce sont des minibus que les propriétaires utilisent comme taxi, et qui généralement ne partent pas tant qu'ils ne sont pas remplis. Et rempli ne veut pas dire « plus une place assise », non non, c'est plus une place du tout, même sur les genoux de mémé...). Mais en dehors de la grande avenue, rien qui devrait beaucoup nous gêner pour sortir de la ville.

Marché Bukhara

C'est donc toujours aussi confiants que nous retournons à l'hôtel chercher nos affaires et que nous partons en direction de la gare routière, au nord de la ville.On trouve assez rapidement la route qui va jusqu'à Samarcande et on commence à demander un peu si quelqu'un veut bien nous emmener et à quel prix. Bien vite, on crée un petit attroupement, chaque conducteur voulant savoir ce qui se passe, qui on est et où on veut aller. Commence alors la surenchère des propositions, ou plutôt la sous-enchère. Encore une fois, ça négocie dur, et personnellement je suis de nouveau plus spectateur qu'acteur. Pas facile de faire comprendre notre destination et notre chargement au milieu de ce brouhaha... Mais comme Eric et Lydie parlent maintenant couramment turc (si si, ils ont un vocabulaire très développé, comme « combien ? », « vélo » et tous les nombres de 1 à 50...) et que l'Ouzbèque y ressemble beaucoup, ils ne se laissent pas abuser si facilement.

Les négociations ont beau battre leur plein, nous avons du mal à trouver une bonne affaire... Entre ceux qui comptent nous emmener tous ensemble dans une Nexia ou ceux qui veulent mettre les vélos sur le toit quitte à scandaliser Eric, c'est pas gagné. Bon d'accord, leurs Nexia ont des grands coffres et si j'ai réussi à mettre deux VTT dans une Clio, ça devrait pouvoir le faire. Pour les vélos. Et nous on suit à pied, c'est ça ? En portant toutes les sacoches bien sûr.

Mais le moral est toujours bon, on a encore presque tout l'après-midi devant nous, on sera à Samarcande le soir, pas de soucis à se faire. Ah, je vois bien le petit sourire légèrement amusé mais un peu mesquin quand même qui se glisse au coin de vos lèvres... Vous n'y croyez pas hein, qu'on y sera le soir même ? Suspense...

Nous on y croit encore, et comme aucune proposition ne semble très prometteuse, on décide d'aller un peu plus loin voir si y'a pas moyen de faire un peu de stop. Arrivés à un point de passage apparemment important, on commence alors à prendre notre mal en patience. Quelques négociations sans succès en cours de route ne nous découragent pas bien plus. Assis sur le bord de la route, nous attendons alors qu'un sympathique camionneur veuille bien nous emmener. Le trafic n'est pas très dense, mais on voit quand même passer quelques camions. Seulement les quelques-uns qui s'arrêtent nous donnent à peu près tous la même réponse : en gros et traduit en français, ça donne « Non désolé, je n'ai pas le droit de prendre plus d'un passager ». Cela laisse un peu rêveur en fait... Comme je disais plus haut, les transports en commun c'est plutôt olé olé et surtout bien remplis. Et quand on les voit conduire, on se dit que la sécurité routière n'est pas vraiment leur point fort... Alors pourquoi ne pas nous prendre à l'arrière dans leur benne qui n'a pas l'air si inconfortable ? Et si on se sert un peu devant, ça passe sans problème !

Ah tendre naïveté... Avez-vous déjà oublié ? Et oui, ce bon président Karimov est en tournée ! Et donc ces bons chauffeurs ont semble-t-il très peur des contrôles routiers. Bon, pour tout dire, on n'a quand même pas vu beaucoup de policiers mais sait-on jamais...

Attente bus Bukhara


Une fois cela réalisé, on se retrouve alors dans une situation beaucoup moins engageante... L'heure continue de tourner, le trafic commence à réduire, et toujours pas de solution à l'horizon. Une chose devient de plus en plus sûre : nous ne serons pas à Samarcande ce soir. Après avoir passé en revue les plans B, C et même probablement D ainsi que toutes leurs variantes, nous arrivons finalement à une décision. Il faut dire que ça les connait maintenant les plans de rechange... C'est sûr que quand on ne sait même pas où on va dormir le soir même, il faut faire preuve d'une certaine capacité à s'adapter. Pas de quoi s'inquiéter donc, je suis en de bonnes mains ! Parce que non seulement ils ont l'entraînement plus ou moins au jour le jour, mais là où ils doivent être le plus créatif, c'est très probablement pour les visas : il faut les entendre parler de ça, c'est assez marrant... Bon, marrant pour celui qui écoute, mais moins pour eux quand même, puisqu'ils en arrivent souvent à bien se prendre la tête entre les frais de visas parfois exorbitants (surtout en passant par une agence), les postes de frontière fermés, Carla Bruni et compagnie. Pourquoi Carla ? Elle aurait rencontré le Dalaï Lama, ce qui n'aurait pas trop été du goût des autorités chinoises, qui du coup auraient décidé à cette période de rendre l'acquisition d'un visa chinois quasi impossible pour les ressortissants français... C'est ce qu'on appelle de la diplomatie apparemment. Bref, Lydie n'aurait pas eu de soucis, mais elle serait allée en Chine toute seule si ils n'étaient pas passés par une agence qui délivre en 24h tous les beaux papiers nécessaires.

Alors, cette fameuse décision ? Rentrer à l'hôtel et essayer de nouveau le lendemain ? Eux qui partent à vélo et moi qui les rejoint d'une manière ou d'une autre sur la route ? Payer deux taxis, un pour les vélos et bagages et un pour nous ? Et bien non...

Pour tout dire, j'ai un peu simplifié l'histoire. L'idée originale était en fait d'aller un peu au nord, au bord d'un lac histoire de sortir des villes, voir un peu la nature ouzbèque et camper un peu. Bah oui, je me suis quand même pas trimballé un sac de couchage et tapis de sol pour rien (moi j'y croyais encore à leurs histoires de camping au fond des bois avant de partir !). Le plan a changé assez rapidement au vu des difficultés à se déplacer ce jour-là. Mais finalement, l'idée de camper n'était pas si mauvaise pas vrai ? La voilà donc notre décision : camper à environ 3 kilomètres de Bukhara, et retenter le coup le lendemain matin « tôt », puisqu'il paraît qu'il y a des bus.

Nouveau challenge donc, trouver un endroit où planter la tente. Petite remise en situation : nous sommes juste à la sortie d'une des plus grandes villes d'Ouzbékistan, coincé entre les grandes routes qui la relie à Samarcande et Tashkent à l'est ou Nukus au nord-ouest, et principalement entouré de champs de cotons. La nuit s'annonce sympa... Nous partons donc à la recherche d'un endroit à peu près convenable pour passer la nuit, tout en sachant que ça ne sera pas le paradis non plus. Le problème du coton c'est qu'il a besoin de beaucoup d'eau, et même si on n'a pas vu un nuage de la journée, le terrain où nous sommes est bien humide. Si on rajoute à ça les moustiques probablement monstrueux qui doivent vivre dans le coin, le tableau est de moins en moins attrayant. On avance, on recule, ou tourne et on vire pendant quelques temps avant qu'Eric s'aventure un peu plus loin entre les champs. Aurait-il enfin trouvé le petit coin idéal ?

Nous le rejoignons finalement pour le trouver au milieu de quelques caravanes un peu délabrées mais occupées quand même. Il y aurait bien un endroit ou deux pour planter la tente, les hommes habitant les caravanes n'ont pas l'air bien méchants, et il commence à se faire un peu tard... Décision prise : on reste là !

Le campement s'organise alors. Alors qu'Eric est assigné aux courses, je suis les instructions de Lydie pour monter la tente. C'est donc là que je me rend compte d'une chose : toutes ces photos et tous ces récits de nuits passées sous la tente, ce ne sont pas des blagues ! Il n'y a qu'à voir l'efficacité de l'installation pour le comprendre... Mais alors... tout est donc vrai ?! Même la nuit passées avec les loups ? Et oui, ils sont fous ! Et moi je m'apprête alors à vivre ça avec eux, pour voir ce que ça fait en vrai. Quelle émotion mes amis !

Comment décrire tout ça ?

Et bah en fait, dormir sous la tente, c'est pareil que ce soit au Camping des Flots Bleus ou au fin fond de l'Ouzbékistan : il faut monter la tente, on mange des pâtes cuites sur le réchaud, on discute jusque tard dans la nuit et finalement on se glisse dans son duvet pour être réveillé pas bien longtemps après. Il fait trop chaud. Ou alors le voisin a bougé (et oui, à 3 dans une tente pour 2, on est serrés !). Ou y'a une saloperie de moustique qui est rentré on ne sait pas trop comment. Ou il faut trop froid. Bref, on passe une bonne nuit quoi !
Ah ça casse le mythe hein ? Elles sont loin les nuits romantiques et aventureuses, perdus au milieu d'un paysage exotique à jouer de l'harmonica autour d'un feu, protégés par le étoiles !

Bon, cet exemple de nuit sous la tente n'est certainement pas celui qui représente le mieux ce qu'ils vivent au quotidien. Ceci dit et malgré les conditions, on a passé un très bonne soirée, et le petit-déjeûner avec les gens des caravanes a apporté la petite touche humaine qui manquait. Ce sont des ouvriers venus travailler sur un chantier à proximité pour quelques mois, et vivant dans ces caravanes pendant cette période.

Camping Bukhara


Bon, c'est pas tout ça, mais l'idée c'était de rejoindre Samarcande quand même. Et à raison de 5 km par demie-journée, on n'est pas près d'arriver... Nous revoilà donc à la gare routière, assez matinaux puisqu'il est à peine 9h, où nous voyons deux ou trois bus attendant des passagers pour notre plus grand plaisir. Les négociations peuvent donc recommencer, avec leur lot de tension, d'attente, de tentatives d'intimidation et de blabla. Le gérant du permier bus, un peu trop pressé, perd d'emblée la bataille et se fait refouler. Le deuxième sera le bon et on charge vélos et sacoches dans les soutes. Commence alors l'attente. Le principe des transports en bus, c'est de remplir au maximum pour rentabiliser. Donc tant que le bus n'est pas plein, on ne part pas. Vous commencez à voir l'embrouille pas vrai ?

Au bout d'un moment, le premier bus part. Vous savez, celui qu'on a refusé ? D'autres bus arrivent, vides, mais peu de passagers. Très peu. Trop peu. On redemande au gérant de notre bus quand il pense qu'on pourra partir : « vers 10h30, maximum ». Il est autour de 09h30, ça va, c'est pas si terrible. Sauf que la concurrence fait rage : les racolleurs de bousculent pour chaque passager. C'est qu'il faut pas croire que c'est pas organisé hein ? C'est pas juste un chauffeur avec son bus, non non ! Il y a le chauffeur bien sûr, puis deux ou trois larbins qui font le racollage, et bien sûr le Big Boss qui lui n'intervient qu'en cas de problème. Autant dire jamais selon les standards ouzbèques. Ca, c'est l'organisation au sein d'un bus. Par contre, entre les bus, c'est une tout autre histoire : on se gueule dessus comme des chiens pour chaque passager potentiel ! Et chaque bus se remplit donc petit à petit. En temps normal, tout va bien, même s'il y a plusieurs bus, puisqu'il y a beaucoup de passagers. Mais aujourd'hui, c'est la fête nationale... Beaucoup de trafic avant et après, mais le jour même, les gens sont déjà dans leurs familles et ne bougent pas ! Vous avez donc maintenant compris la situation : deux ou trois bus vides, qui tous attendent le moindre passager pour pouvoir partir. A raison d'un ou deux par heure, on devrait réussir à remplir notre bus avant la fin de la semaine, c'est bon.

Donc on attend. Et on attend encore. De temps en temps il y a un peu d'animation, les bus changent de place pour se mettre plus en avant et attirer plus de passagers, mais tous les stratagèmes n'y changeront rien : notre bus ne sera pas plein aujourd'hui... L'angoisse monte. Le deuxième bus semble un peu plus remplit, certains passagers de notre bus décident de changer. Que faire ? Si seulement tout le monde se mettait d'accord pour en remplir un et le faire partir ! Mais non. Finalement, on ressort les vélos et on attend de voir ce qui va se passer. Nous ne sommes pas les seuls. Il y a aussi une cargaison complète de poivrons (et quand je dis complète, c'est qu'elle remplit toutes les soutes ! Ca aura son importance pour la suite...). Faisons une petite mise au point de la situation, pour bien se rendre compte de ce qui se passe :

  • il y a maintenant deux bus en compétition pour partir
  • ça veut dire une bonne dizaine de personnes tout autour (chauffeurs, larbins, etc.)
  • ça doit bien faire 2 ou 3 heures que tous les passagers attendent le départ
  • à côté des bus, il y a trois touristes qui comprennent pas trop ce qui se passe et qui regarde
  • et il y a un gars qui transfère sa cargaison de dizaines de sacs de poivrons d'un bus à l'autre

Il semblerait que le compromis soit trouvé, le transfert commence. Le pauvre bougre prend ses sacs un par un pour les passer d'une soute à l'autre. Pendant ce temps-là, la dizaine d'autres personnes attendent gentiment à l'ombre et le regarde faire. Un des larbins finit par aller l'aider (probablement parce que le Boss lui a ordonné), mais c'est tout. Un travail qui aurait pu prendre quelques minutes a pris au moins une demi-heure, belle performance...

Le moment du départ semble se rapprocher. Eric retourne voir le gérant pour confirmer le prix avec les vélos et tout et tout. En gros, il sent l'entourloupe et il veut pas se laisser faire :) Parce que oui, les soutes sont maintenant pleines de melons ! Où va-t-on mettre les vélos ? Malgré les efforts créatifs du chauffeur, notamment les mettre sur le toit (et je crois vous avoir déjà raconté à quoi ressemble la circulation là-bas...), c'est finalement par une magnifique manoeuvre forcée d'Eric (en gros : « y'a pas moyen que tu touches à mon vélo espèce de c.., je le prends avec moi dans le bus et pis c'est tout, tu vas pas me faire ch... ») que nous nous retrouvons au fond du bus, avec les vélos bien rangés dans le couloir. On va enfin pouvoir partir. Il est 13h30...

Il leur aura donc fallu pas loin de 4 heures pour se rendre compte que s'arranger pour remplir un seul bus c'était pas une si mauvaise idée après tout... Le temps n'est pas le même par là-bas... Bref, peu importe, nous voilà donc en route vers Samarcande ! Incroyable non ? On n'y croyait presque plus.

Le trajet se passe plutôt bien, même si au fil des arrêts pour prendre un peu plus de passagers sur la route, le bus se remplit petit à petit. Les vélos installés dans le couloir tout au fond sous la surveillance accrue d'Eric font l'objet de pas mal d'attention... Bon, effectivement, ils gêne l'accès aux places du fond, mais rien d'insurmontable. Mais surtout, il y avait un papy plus malin que les autres qui aurait bien voulu jouer avec, ce qui n'a pas été du goût d'Eric... Après une journée pareille, la patience avait déjà fait ses bagages donc forcément le ton monte un peu... Heureusement, papy insiste un peu mais pas trop, et il valait mieux qu'on ne comprenne pas ce qu'il racontait à ses voisins. Au vu des soucis qu'on causait dans son bus, le big boss a bien essayé de nous faire payer un peu plus pour les vélos, mais il n'a pas trop insisté non plus après qu'Eric lui lance son regard qui tue.

Non, allez, gardons l'esprit positif un peu, et profitons du voyage ! On peut par exemple s'émerveiller du chargement de bagages à l'intérieur, mélange d'équilibre et de témérité... Vous aimeriez vous, être assis tranquillement dans le bus, avec un énorme sac juste au dessus de votre tête et qui semble hésiter entre rester rangé bien tranquillement ou céder à la gravité ? Mais non, plusieurs heures de bus chaotiques n'ont pas été suffisantes pour que le sac prenne sa décision... Tant mieux me direz-vous. Bref, nous voici donc au terme de ce voyage dans le voyage : nous descendons à quelques kilomètres du centre de Samarcande, un peu plus de 24 h après être sorti de Bukhara... Une petite moyenne de 11 km/h, on peut applaudir la performance, merci. Ils auraient eu une meilleure moyenne en vélo...

Bus Bukhara - Samarcande

Samarcande donc... Le centre historique, culturel et touristique de l'Ouzbékistan, et même de toute l'Asie Centrale... Pour moi c'est la dernière étape avant de repartir en direction de Moscou. Pour eux ce n'est qu'une de plus, mais une où ils devront finalement décider quelle route prendre pour la suite, leurs visas en dépendent, ou inversement.

Nous arrivons à notre hôtel, à deux pas de la perle architecturale de Samarcande, le Registan. Surprise surprise ! Eric et Lydie y retrouvent Astrid et Mieves, dont vous avez déjà entendu parlé si vous avez lu leurs aventures iraniennes. Ils avaient pu partir d'Iran quelques jours avant eux et ont pris un autre chemin, mais comme je disais dans la première partie, tous les chemins mènent en Ouzbékistan ! Et plus encore, tous les chemins mènent à Samarcande. Et une fois à Samarcande, on dirait bien que tout le monde se retrouve au même hôtel ! En plus d'Astrid et Mieves, il y a aussi Wolfgang qu'ils avaient aussi rencontré en Iran et que j'avais vu chez Igor qui m'a hébergé une nuit à Tashkent à mon arrivée, un couple de Polonais qui étaient dans le même hôtel que nous à Bukhara, plus quelques autres personnes en vadrouille. Le Club des Grands Voyageurs en quelques sorte... Je vous fais grâce des sujets de discussion, vous imaginez bien de quoi tout ce microcosme parle !

Nous passerons donc quelques jours avec Astrid et Mieves surtout, visite très tranquille du Registan (de dehors, j'y reviendrai...), du café internet, du mausolée d'Amir Timur, du marché, du supermarché aussi, etc. Bref, on en profite bien, sous la chaleur écrasante. Samarcande est une ville assez étrange : le centre est flambant neuf, des grands parcs avec des grandes pelouses bien vertes, des routes parfaites, de grands bâtiments tous neufs ; par contre, en s'éloignant un peu du centre, on retrouve à même pas 100 mètres de la grande avenue des rues de terre, des maisons délabrées, etc. Le contraste est assez saisissant. Surtout que ces grands nouveaux espaces paraissent bien vides en journée...

Le clou du spectacle, c'est donc le Registan : ensemble de trois majestueuses medressas se faisant face, toutes plus décorées les unes que les autres, on se sent un peu petit là au milieu. C'est là qu'on retrouve les touristes bien sûr, mais aussi la police. Et la police semble là-bas avoir une morale un peu particulière, ou du moins à deux vitesses : en gros, une pour les touristes, et une pour les Ouzbèques. Pour les touristes, c'est « bienvenue dans nos trésors, si vous voulez je vous fais entrer dans des endroits où personne ne va pour quelques dollars... » ou encore « vous voulez changer des dollars ? Pas de problème je vous fais un taux avantageux »... Etrange pour un policier d'acheter des dollars au cours du marché noir ... Pour les locaux par contre, pas question de petits arrangements, pas de visite privée. C'est plutôt « fais la queue comme tout le monde et reste bien dans la ligne ». J'exagère un peu, mais ça donne cette impression.

Bref, le Registan, je l'ai visité tout seul finalement, Lydie et Eric n'étant pas très emballé à l'idée de payer une entrée exorbitante. L'équivalent de quelques euros en fait... mais ils étaient en mode économie et overdose de mosquées alors bon... Et puis on s'habitue vite à ne rien payer pour voir des choses merveilleuses, donc le retour à la réalité touristique fait un choc ! Je vous passe les détails (« c'est magique », « magnifique ! », « ah ouais quand même » et autres exclamations), mais si vous avez un jour l'occasion de voir ça, choisissez de préférence une belle fin d'après-midi, je ne pense pas que vous serez déçus ! Et n'oubliez pas de charger la batterie de votre appareil photo, elle risque d'être pas mal solicitée...


De retour à l'hôtel, je retrouve le Club des Grands Voyageurs. Le cocktail canap'-bière-récits en tous genres n'est pas désagréable, faut bien avouer :) Pour résumer mon séjour à Samarcande, c'est assez simple en fait : plein les yeux de tous ces bâtiments, et plein les oreilles de toutes ces histoires de bourlingueurs professionnels :) Dépaysement garanti !


Au fait, vous vous rappelez ? L'idée avant d'aller à Samarcande, c'était de se perdre un peu dans la nature. On a bien eu une nuit sous la tente à Bukhara, mais c'est pas tout à fait ce qu'on cherchait quand même... Alors on décide d'aller voir un peu au sud, dans les montagnes. Départ prévu le matin pour Eric et moi, Lydie préfère rester tranquillement à l'hôtel (et vous pouvez la remercier, puisqu'elle en a profité pour mettre à jour le site, mettre des photos et tout ça !). Vous commencez à connaître le rituel : on cherche un taxi, on négocie, le ton monte un peu, on en trouve un qui gueule moins fort que les autres, on attend que la voiture soit remplie, et on part. Pour le coup, on est vraiment parti à l'aventure : on ne sait pas trop où on veut aller, pas de carte, une tente (enfin, une toile de tente plutôt, le reste étant malencontreusement resté à l'hôtel, on sait jamais, Lydie aurait pu en avoir besoin !) et c'est à peu près tout. Mais ça en valait la peine. Là encore, dépaysement total : des montagnes désertiques, avec quelques taches vertes de temps en temps au milieu des champs de cailloux. Même si ce n'est certainement pas la plus belle montagne de la région, ni la plus impressionnante, c'est quand même bien agréable de marcher ailleurs que dans les rues d'une ville et de se poser face à l'horizon plutôt qu'à un arrêt de bus ! Notre petite escapade pédestre se passe donc très bien, ne reste plus qu'à trouver un endroit où planter la tente. On finit par arriver à un troupeau de chèvres gardé par quelques bergers qui se demandent bien ce qu'on fait ici et avec qui on tape un peu la discute. Le courant passe tellement bien qu'Eric va même faire un petit tour sur l'âne, pour la photo vous comprenez ?

Et là, c'est le drame... Faire une photo de soi sur un âne, c'est pas facile forcément, alors emballé par la bonne humeur du moment, il demande au berger de la prendre... Mais malheureusement, le berger en question venait de finir de manger son plov (vous vous souvenez ?) et il a encore les doigts tous gras ! Ah quelle erreur mes amis ! Tout se passe très vite : Eric donne son appareil, grimpe sur l'âne comme il peut « hmmmpf », fait son plus beau et fier sourire Colgate « yeaaaah », le berger va pour cadrer la photo, « zzziup » l'appareil glisse, et « paf » l'appareil tombe... Et point final : « grrrrr », le sourire disparaît instantanément... Le verdict est déjà connu de tous, mais ne sera publié officiellement que le lendemain après autopsie intégrale : cet appareil ne prendra plus jamais de photo. Et la dernière qu'il aura gardé en mémoire fût celle de son assassin. Pardon : « de cet abruti qui n'est pas foutu de tenir un appareil 2 minutes sans le faire tomber » (ndlr : les propos ont été légèrement remaniés pour laisser paraître le fond tout en gardant une forme publiable...).

Mis à part cet incident qui fait bien ch... mais relativement vite oublié, la soirée, la nuit et le retour se passent bien, avec encore quelques chèvres, une petite rivière qui s'assèche au fur et à mesure qu'on la descend, une mine soi disant d'or et ses mineurs et finalement le petit village qui est censé être alimenté par la rivière, mais il vaut mieux ne pas habiter trop en aval...

Montagne derrière Samarcande


Le retour de notre petite escapade se passe sans soucis, après seulement 15 min d'attente au bord de la route, grâce à notre chauffeur ex-lutteur et très sage tant que sa maman est à côté mais un poil plus pervers dès qu'il est seul... Il n'y a bien que l'arrivée dans Samarcande qui a posé problème : bouchons dans toute la ville, rues bloquées, tout le monde cherche la petite ruelle qui passe encore. Et oui, notre bon ami Karimov n'a toujours pas fini de nous causer des soucis de transport ! Il semblerait même qu'il nous poursuive... Pourtant, soyez assurés que nous n'avons rien fait d'illégal (pas encore...) ! Toujours est-il qu'on passe presque autant de temps sur la route entre la montagne et la ville que dans la ville. Et qu'il commence à faire sacrément faim. A peine le temps de rentrer à l'hôtel, de retrouver Lydie accompagnée de Mieves et Astrid que nous partons manger notre plov désormais rituel. Le resto où nous voulions aller est à peu près à 500 mètres de l'hôtel, rien de bien méchant, mais on a quand même du voir une bonne vingtaine de policiers et autres membres du service de sécurité dans les rues. On se sent rassurés, vraiment...
Mais l'aller n'était pas le plus intéressant. Pendant notre repas, les policiers qui étaient eux aussi en train de manger ont entendu un crouic crouic sur leur radio et sont partis en trombe (sympa pour le propriétaire au passage, 3 repas gratos...). Il semblerait bien que le président se rapproche. Boaf, peu importe en fait. Mais voilà à peu près ce qu'on découvre quand on sort : des rues vides, avec pour seules voitures des grosses berlines noires avec vitres teintées ; quelques passants dont on ressent tout le plaisir qu'ils ont à être là, débordant d'émotion à l'idée de peut-être apercevoir leur cher président ; mais surtout deux fois plus de policiers et agents qui rigolent encore moins : impossible de traverser la route, mais il n'y en a paraît-il que pour une dizaine de minutes...

Nous prenons donc notre mal en patience, et attendons de voir ce qui se passe. Et bien... rien du tout... Les gens attendent, les policiers engueulent ceux qui osent poser 2 mm d'orteil sur le bord de la route, mais pas de grosses voitures blindées à l'horizon. Finalement, on fait comme tout le monde et on fait un bon détour pour se rapprocher de notre hôtel, mais pas de bol, il y a un barrage de l'autre côté aussi ! Et là c'est rageant, nous ne sommes plus qu'à quelques mètres du but, on voit la porte (fermée bien sûr, je vous l'ai dit, ça ne rigole pas du tout). Dans le troupeau de badauds qui attendent à ce carrefour dont on se demande bien ce que Karimov pourrait avoir à y faire étant donné que la grande avenue est de l'autre côté, on retrouve un employé de l'hôtel. Finalement, il semblerait que les quelques minutes d'attente annoncée se soient comme par enchantement transformées en 2 heures, ni plus ni moins. Pour tout vous avouer, la perspective de rester 2 heures à poireauter à un carrefour où il ne se passera absolument rien et à 50 mètres de notre hôtel ne nous a pas trop fait rire. Mais heureusement, Eric était là pour détendre un peu l'atmosphère et nous proposer un petit numéro histoire de patienter. Est-ce le courage de la petite écolière qui voulait rentrer chez elle et qui a essayé, seule face à l'autorité, de passer plus ou moins en force (mais une petite fille de trente kilos contre un gros policier, elle n'a pas eu de grandes chances faut bien le dire) qui lui a donné cette énergie ? Ou simplement le fait de se sentir comme un con abusé par des policiers débiles ?

Lui seul pourra nous dire... Le ton monte, il use encore une fois de ses talents affutés de marchandeur, mais rien n'y fait : des agents de sécurité, c'est pas pareil qu'un chauffeur de bus. Il insiste, il s'agite, tout le monde le regarde maintenant, et tout ça finit par lui donner bien chaud au bougre. Et comme il est presque chez lui (et oui, l'hôtel est juste en face) il a dû se dire qu'après tout il pouvait bien se mettre à son aise. Et vas-y que je tombe le T-shirt, et que je défais ma ceinture, et que... ah non, pas plus quand même, Monsieur l'agent commence à ne plus trop apprécier la blague. « Mais si ! » lui dit-il, « regardez, je ne suis pas un terroriste, je n'ai pas de bombe, pas même un couteau ! Je veux juste rentrer à mon hôtel prendre une bonne douche froide pour me rafraîchir un peu voyons !»
Là je vous avoue que j'aurais bien pris quelques photos, voir même fait un film. Mais je doute que ça aurait trop été du goût des policiers qui prenaient encore ça à peu près à la légère... Finalement, devant l'insistance du pitre, et probablement parce qu'ils commençaient tous à en avoir un peu marre du touriste à la con qui se croit plus malin que les autres, un des agents qui parlaient anglais prend une initiative qui a dû lui coûter un bel avertissement par la suite : il décide de nous escorter jusqu'à la porte de l'hôtel, non sans se faire engueuler par d'autres agents qui attendaient plus loin mais qui ont dû être bien contents d'être enfin débarrassés de ce fou... :)

Ce fût notre dernière mésaventure dûe à Karimov, mais en quelques jours il nous aura bien emmerdé quand même, que ce soit en bus, en voiture ou à pied. Et c'était aussi ma dernière journée avec eux, puisque je devais reprendre le train le lendemain matin pour rejoindre Tashkent puis embarquer pour mon voyage retour. Eux aussi devaient aller à Tashkent, pour s'occuper de leurs visas en espérant que tout marche bien (on saura par la suite que oui, même mieux que prévu !), mais j'avais déjà acheté mon billet pour être sûr et eux ont pris le bus. Finalement, on est arrivé presque en même temps à Tashkent, pour une fois ils ont trouvé un bus tout de suite ! Tant mieux me direz-vous, parce que figurez-vous que j'avais bien besoin d'un Immodium à ce moment-là et que bien sûr je leur avais laissé quasiment toute ma pharmacie... Et passez trois jours dans un train avec une bonne tourista, ça allait être une toute autre expérience... Je vous passe ces détails très peu intéressants, mais ça nous a donné l'occasion de faire des adieux plus académiques, sur le quai d'une gare...


En tout cas, merci à Lydie et Eric de m'avoir supporté pendant toute cette semaine, désolé du retard à l'écriture... C'était juste tout parfait ! A une prochaine, avec mon vélo cette fois, qu'on puisse rouler un peu ;)

Marc prend le train ...