Sabaï-diiii !

Sabai dii ... Ou plutôt, comme crié plus de 10 fois par les enfants des villages traversés :

SAAAABAAAiii Diiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiii    !

Bonjour ! Et bienvenue au Laos ... Après avoir grimpé les 30 derniers kilomètres Vietnamien, nous avons passé les formalités comme une lettre à la poste. En courrier B, tout en douceur. On nous avait prévenu, ici, il ne faut pas être pressé. Un douanier sur trois en uniforme, les autres en jeans / t-shirt, jouant au volleyball ou faisant la sieste. C'est dimanche, il fait encore jour une heure et il fait beau, nous ne sommes pas aux pièces non plus. Nous avions croisé un américain à Son La il y a quelques jours qui revenait du Laos et nous avait vivement conseillé de prendre le bus depuis Dien Bien Phu. Photos à l'appui, la route en construction était un vrai bourbier sur plus de 100 km à cause de la pluie. Il nous racontait que les passagers du bus devait à tout moment en sortir pour pousser et passer des côtes un peu trop glissantes ... Qu'à cela ne tienne, nous, on déteste prendre le bus, il fait beau et sec depuis plus d'une semaine maintenant, alors nous avions pris la décision de tenter malgré tout de le faire en vélo. Et bien nous en a pris ! La route est très peu fréquentée, quelques camions pour les travaux, des motos mais dans l'ensemble nous sommes tout seuls. On apprend dès les premiers kilomètres à dire "Bonjour" et "Merci" en Lao, beaucoup plus agréable à notre oreille d'entendre les gens parler dans leur langue plutôt que des "Hello" que l'on trouve impersonnel. Alors on roule tranquillement jusqu'à la petite ville de Muang Khua.

La forêt ressemble déjà à la jungle, nous devons traverser quelques petites rivières les pieds dans l'eau, la route descend et monte aussi beaucoup. Deuxième avertissement que l'on nous avait fait: Le Laos, c'est montagneux. En tout cas le nord. Cela faisait longtemps que nous n'avions pas autant transpirer. Le rythme de nos premières journées, c'est 15 km de montées, et 10 km de descente, pour tout devoir remonter, mais finalement tout redescendre ... Nous resterons 2 nuits à Muang Khua, petite ville au bord de la rivière Nam Ou, et étape incontournable pour les touristes venant du sud en bateau ou pour ceux arrivant en voiture et voulant rejoindre Nong Khiaw ou Luang Prabang par le fleuve. Il nous faudra une journée de réflexion pour nous décider. Descendre directement au sud et filer à Luang Prabang, ou remonter la rivière au nord, en espérant pouvoir profiter de faire quelques randonnées dans les villages des ethnies près de Phongsali ? Notre choix est finalement vite fait, on monte dans un bateau qui ressemble à une pirogue pour le nord. Les vélos sur le toit, environ 100 km plus haut et 6 heures assis sur une banquette en bois, nous voilà à Hat Sa.

 

Un peu déçu de ne pas avoir vu plus d'animaux que cela en route, nous n'aurons aperçu qu'un ou deux petits martin pêcheur (c'est déjà ça!) mais nous pensions voir beaucoup plus de vie le long de cette belle rivière. Nous croiserons par la suite de nombreux chasseurs, avec des fusils de plus de 2 mètres de long, revenant d'une longue journée dans la forêt. Les gens qui vivent ici sont pauvres. Impossible  (?) pour les paysans de faire pousser quoi que ce soit, des pans entiers de forêts sont rasés, d'autres brûlés. On comprendra bien vite que la chasse est une question de survie pour ces gens. Oiseaux, petits mammifères, rats, serpents, tout y passe ou presque. Nous ne souhaitons pas ouvrir le débat, mais nous pouvons comprendre que les préoccupations de sauvegarde d'une espèce en voie de disparition n'intéressent pas plus que ça les villageois de ces montagnes. On dit bien: Ventre affamé n'as point d'oreille.

Phongsali. Capitale provinciale minuscule, nous comptons bien poser nos vélos quelques jours et partir randonner dans les alentours à la rencontre de quelques unes des 22 ethnies vivant ici. Nous allons bien vite déchanter, puisque il nous faudrait débourser environ 66 € par personne pour aller dormir une nuit dans un village et faire quelques photos des montagnes alentours. Même pas  la peine d'hésiter. Même en négociant c'est hors de prix par rapport au coût de la vie locale. On fait quasiment tout le temps attention à ce qu'on achète pour pouvoir se permettre des extras de temps en temps mais cette excursion ne fera pas partie de ces extras.

Petite parenthèse budgétaire :

Certains nous disent que seuls des suisses peuvent se permettre de voyager longtemps comme ça. Juste un chiffre : en bientôt 1 an de voyage, nous n'avons pas encore dépassé la barre des CHF 10'000 / 8'000 € dépensés. A deux.  Tout compris : hôtels, nourriture, transports, visas, etc ... Tout depuis que nous sommes partis. C'est beaucoup et peu à la fois, mais il n'y a certainement pas besoin d'être millionnaire. En plus on se sent même un peu bourgeois quand on sait que d'autres cyclos on dormi à la belle étoile dans Tashkent !

Mais c'est sûr qu'il faut faire des concessions sur ce qu'on voit et cette rando fera partie des concessions. Dépenser plus de 130€ pour aller voir un village qui ressemble à deux gouttes d'eau aux dizaines que nous avons ou que nous allons traverser avec notre vélo sur les routes du Laos on trouve ça exagéré et on se demande presque où passe l'argent tant le décalage est grand avec le niveau de vie local. On est un peu dégoûtés puisque c'est cette motivation de pouvoir aller faire un trek qui nous a fait venir jusqu'ici, mais cela fait partie aussi du jeu.

Nous reprenons donc la route le soir même, camping et invitation à se faire à manger dans la cuisine du voisin chinois très sympa (nous vous passerons les détails de l'après soirée relatifs à la dégustation de l'alcool de riz local: le Lao Lao). Fin du goudron pour les 150 km qui suivront. 6 km/h à la montée (et il y en aura!) et pas plus de 8 km/h dans les descentes (il y en aura aussi !) Mon pneu arrière n'y survivra pas et suivra le même sort que celui d'Eric lors de notre passage au Kyrghyzstan. Après plus de 13'000 km et pas une seule crevaison, c'est déchiré de l'intérieur qu'il finira sa vie. Heureusement que depuis le passage de mon papa au Vietnam, nous avions deux jolis pneus de rechange. La route est longue et difficile, on en chie pas mal si vous me passer l'expression mais on en prend plein la vue. Nous aurons finalement droit à notre nuit dans un village (impossible de trouver un endroit où camper à cause de la densité de la forêt) et nous aurons eu nos dizaines de sourires et de Sabaii diiiiiiii par jour par les enfants et les adultes le long du chemin.

Petite anecdote lors de notre nuit dans le village Hmong (ethnie vivant au Laos). Après avoir préparer à manger dans la cuisine et avaler nos pâtes vite fait, nous demandons à nos hôtes où se trouvent les toilettes. Evidemment personne ne parle anglais, nous sortons alors notre petit dictionnaire illustré qui nous avais déjà beaucoup servi en Chine. Eric montre la photo des WC (turc et assis) et les trois personnes autour de nous regardent les images l'air très intrigués. Jamais vu. Qu'est que c'est ce gros truc blanc ? Qu'est ce que ces deux guignols veulent bien essayer de nous faire comprendre ? Grand moment de solitude à essayer de mimer avoir envie de faire pipi devant 20 personnes. La dame finira par comprendre notre désarroi et nous enverra tout bonnement derrière la maison. Ok, autant pour moi ! Pas de toilette mais TV et lecteur DVD dans la maison, utilisable seulement quand le groupe électrogène fonctionne. Fin de l'histoire.

Nous retrouverons le goudron à Sin Xai et alignerons les kilomètres jusqu'à Oudomxay. Première ville pour les voyageurs en provenance de la Chine toute proche. La présence Chinoise est d'ailleurs très forte. Tant sur la route empruntée par les "pèlerins" bouddhistes en route pour Luang Prabang dans leurs gros 4x4 que dans le marché où nous retrouvons nos marques avec les produits Made In China que nous mangions il y a déjà plus de 6 semaines ! On comprendra d'ailleurs très vite que si le goudron est de retour, c'est parce que les Chinois l'amène. Probablement avec les travailleurs qui vont avec, en n'apportant aucun emploi pour les locaux. Le tout pour permettre aux plus pieux  d'aller en pèlerinage à Luang Prabang dans des conditions acceptables.
Le Laos est un pays très pauvre, cela se remarque notamment par les nombreux établissement "sponsorisés" par des pays étrangers. Ici c'est une école payée par le Japon, là un dispensaire fourni par le Canada. Des sacs de 30 kg de riz offert par la Finlande (nous ne savions pas que ça poussait par là-bas!?) des panneaux anti-drogue par l'Allemagne, un pont par la Chine (encore elle) etc ...

On en vient à se demander quel est l'effet à long terme de ce genre d'aide. Cette partie du Laos a des conditions de vie très similaires au sud de la Chine et l'ouest du Vietnam du point de vu du relief et  du climat, et pourtant ici, quasiment pas de rizière, pas de potager, pas d'activité incessante pour essayer de faire pousser quelque chose comme dans les pays voisins. Juste des petits villages au milieu de la forêt dont la population semble sponsorisée pour restée ici. Cela laisse une impression assez étrange.

 

Le 2 février, après quelques bonnes montées (et descentes), quelques rizières, quelques éléphants et quelques repas de soupe de nouilles, nous arrivons enfin au bord du Mékong, avec en prime quelques éléphants juste pour faire joli pour la photo. C'est quand même bien organisé ce voyage ...

On est un peu émus, on se sent comme lors de notre arrivée à Istanbul à la vue du  Bosphore. Le Mékong c'est une étape de plus, un fleuve que l'on va suivre pendant un petit millier de kilomètre et qui va nous mener jusqu'au Cambodge ...  En fin de journée, nous faisons notre entrée dans Luang Prabang, ville classée au patrimoine de l'UNESCO avec plus de 30 temples et des moines dressés d''une robe orange filant discrètement dans les rues à l'ombre d'un parapluie noir. Luang Prabang c'est des petits cafés sympas, des sandwichs baguette, des Oreo Shakes (eh oui !) plus de 250 maisons d'hôtes et hôtels, tous pleins à craquer puisque nous sommes en haute saison touristique. On nous avait prédit avec dégoût une ville ayant perdu son âme, où le touriste chinois et australien était roi, s'habillant comme s'il était sur la côte d'azur et buvant des bières à l'excès. Alors forcément dans une ville censée être le centre de la ferveur bouddhiste cela fait un peu tâche. Mais ce n'est pas si pire.

Notre guesthouse est dans un petit coin tranquille de la ville, café et thé et bananes sont offerts le matin par les tenanciers sympas et nous en avons profité pour nous aussi flâner dans les rues de la ville, refaire le monde avec Ingrid et Luc (cyclos eux aussi, et oui, au milieu de tous ces touristes il faut faire une sélection :)) et faire le plein de provisions.

Demain est un autre jour, pas dit qu'on reprenne la route, on se sent peut-être un peu trop bien ici ... ;) Mais notre visa n'est pas éternel et il nous reste encore de la route à faire avant de rejoindre Vientiane, capitale de la République Populaire Laotienne ... Alors demain peut-être qu'on se lèvera une dernière fois à 5h30 pour aller observer de loin le rituel de l'offrande aux moines et peut-être qu'on se remettra en selle pour filer vers le sud ...