Sok Sabay Te ?

AVANT PROPOS :

On a ajouté deux petites vidéos et quelques photos ...

 


 

Sok Sabay Te ? - 05 mars 2011 - Aujourd'hui on passe une nouvelle frontière, alors forcément je stresse un peu. Le sentiment est à chaque fois le même lorsqu'on franchi une étape et lorsqu'un nouveau tampon va être apposé dans notre passeport. Aujourd'hui nous entrons dans notre 18ème pays ! Contrairement aux rumeurs de corruption, nous obtenons notre visa à la frontière pour 20 $ et les douaniers sont surtout très curieux de nous voir débarquer avec tout notre barda.

Sok Sabay Te ? - 06 mars 2011 - Deuxième jour que nous sommes au Cambodge et déjà deux rencontres avec les gens de ce beau pays. Premier soir, un peu inquiète de devoir planter dans un champ que je crois rempli de mines, Eric demande à un jeune nous ayant salué depuis le bord de la route si nous pouvions planter notre tente dans son jardin. Il accepte avec enthousiasme et nous découvrons ainsi sa famille et son travail, consistant à protéger les arbres rares braconnés dans la région. Il nous invite à partager son repas et les enfants nous apprennent à compter en Khmer. Le lendemain c'est spontanément que Sam et Kimchi nous inviterons à dormir chez eux quand on leur demandera la route pour aller à Kbal Spean, lieu célèbre pour ses chutes d'eau et ses sculptures taillées dans la rivière (censées purifier l'eau qui coulera d'ici aux temples d'Angkor 50 km en aval). Parlant un anglais courant, Sam et Kimchi sont Canadiens. Réfugies politiques ayant fui le régime Khmer Rouge avec leurs trois enfants il y a presque 25 ans, ils sont revenus au pays il y a 3 ans pour y ouvrir un petit supermarché servant de grossiste à toute la région. Les affaires marchent bien pour eux, et c'est avec émotion que Kimchi nous expliquera la raison de son geste d'hospitalité envers nous. Arrivant au Canada les mains et les poches vides, trois enfants à nourrir et toute une vie à reconstruire après les horreurs vécues ici, beaucoup de voisins les ont aider en leurs offrant de la vaisselle, des habits pour les enfants, ou simplement en les soutenant dans leur intégration. Son envie d'aider à son tour et de rendre service est on ne peut plus sincère et nous passons avec eux une douce soirée ... Nous avons manqué leurs plus jeune fils, âgé maintenant de 25 ans qui était en visite au Cambodge pour 1 mois, reparti hier à Toronto. "Mon fils n'aime pas notre vie ici, il fait trop chaud et on n'a pas la climatisation dans la maison. Il ne parle pas Khmer mais surtout, on n'a pas internet !" On éclate de rire sachant qu'elle nous traite un peu comme ses enfants, nous servant à manger plus qu'il n'en faut et nous faisant des recommandations très maternelle pour la suite de notre périple !

Sok Sabay Te ? Aujourd'hui nous sommes le 7 mars 2011. C'est notre anniversaire, 1 an déjà que nous sommes sur la route. Un an de doute et de rencontres, de coups de pédales et de coups de gueule, de découvertes et de lassitude ... Mais aujourd'hui, nous arrivons à Angkor ! Site Khmer mythique et classé au patrimoine de l'UNESCO. On y redoute les 2 millions de visiteurs par an, mais les échos des autres voyageurs sont élogieux à son sujet alors on se réjouis surtout de passer du temps dans les murs de ses temples en ruines. Arrivée un peu chaotique puisque impossible pour  nous de visiter un temple sur notre route mais excentré du site principal car les tickets ne sont en vente qu'à la billetterie officielle à Siem Reap, à plus de 40 km d'où nous sommes.  Pas de visite donc et on fera la route vers Siem Reap avec une impression d'être traqués par les gardes devant les temples, qui, prévenus de notre passage par leur collègue,  nous aboient de poursuivre notre route, sans nous laisser le droit de nous arrêter. Nous nous trouvons pourtant sur la route nationale qui mène à la ville et nous sommes donc ici de notre plein droit. Mais c'est une compagnie privée qui gère le site de Angkor et les supérieurs des gardiens n'entendent pas de cette oreille tolérer les deux intrus que nous sommes sur "LEUR" territoire. On a le sentiment d'avoir à faire à une mafia qui s'est appropriée un territoire de 40km de long, et c'est donc un peu dégoûtés que nous arrivons à Siem Reap. Ville vivant pratiquement uniquement grâce au tourisme, petits cafés et autres restaurants pullulent en centre ville, de même que les nombreuses auberges. On ne se laisse pas abattre pour autant, et pour marquer le coup, on se paie un bon resto fêtant ainsi dignement notre première bougie de cyclo.

Sok Sabay Te ? - 08 mars 2011 - Aujourd'hui on attend Rémy, qui doit arriver par bateau depuis Battambang entre 11h et 18h. Les horaires sont ce qu'ils sont et la tranche horaire est donc assez large. On à que ça à faire de toute façon. Le temps de reposer nos mollets et de faire quelques courses, notre ami en vélo couché est déjà là ! Nous n'avions roulé ensemble qu'un petit mois entre le Kazakhstan et la Chine, mais c'est un vieil ami que l'on retrouve. On a beaucoup de choses à se raconter et après plus de 3 mois de séparation on est très heureux de le retrouver ... Notre moral comme le sien est passé par des hauts et des bas et ça nous fait beaucoup de bien de partager nos expériences et nos projets avec lui. Chacun vit son voyage à sa manière mais nous avons plus ou moins tous les mêmes tranches communes. Le manque de nos familles, de nourriture, la difficultés des routes ou de contact avec les gens, mais aussi la découverte du monde et le plaisir de voyager ainsi. Rémy a besoin lui aussi de se reposer, on dédie donc la journée de demain au farniente, et on promet de s'élancer à la découverte d'Angkor après-demain avec un billet valable 3 jours.

Sok Sabay Te ? - 10 mars 2011 - Aujourd'hui le moral est au beau fixe. Rémy rêve de camper près d'un temple, on part donc de Siem Reap avec tout notre matériel. Les dizaines de temples s'étalent quasiment sur une zone de 10km  en largeur et 10km en longueur et le vélo est un excellent moyen de le découvrir. Beaucoup de touristes utilisent des tuk-tuk ou des motos, mais d'autres comme nous le font en bicyclette. On passe d'un temple à l'autre avec des yeux d'explorateurs, se prenant pour Indiana Jones perdu dans la jungle à la découverte des temples perdus. Des arbres immenses poussent au milieu des pierres, les engloutissant littéralement dans leurs troncs et les statues des têtes d'Angkor nous observent depuis le Bayon. Il y a beaucoup de touristes sur le site, surtout des Chinois, des Coréens et des Français. Mais certains temples sont des labyrinthes et en se promenant dans les divers couloirs, on peut presque avoir l'impression d'être seuls au monde et le sentiment de découverte est encore plus fort. La journée se termine on ne peut mieux puisque vers 18h, toutes les petites échoppes ferment boutiques et les touristes rentrent à Siem Reap pour la nuit. Le site se vide et nous en profitons pour prendre un petit chemin et trouver un temple à l'écart pour y planter notre tente. Je suis un peu anxieuse à l'idée d'une tournée des gardes, ne sachant pas vraiment si nous sommes dans la légalité. Mais nous avons un billet d'entrée pour 3 jours rien n'indique que la zone est interdite la nuit. La nuit se déroule très tranquillement et c'est à travers notre moustiquaire que nous admirons le lever du soleil sur Angkor Thom.

Sok Sabay Te ? - 11 mars 2011 - Aujourd'hui une nouvelle journée de marche à monter et à descendre les escaliers des temples nous attends. Mais aujourd'hui, je n'ai pas le moral. Les nombreux enfants vendant des babioles à chaque entrée des temples, récitant un petit discours bien rodé me mine ma journée: Lady, achète moi quelque chose. Tu veux une écharpe ? Un livre ?  One Dollar ! Mister, achète moi quelque chose. Tu veux un ananas ? Une flûte ? One Dollar ! Ils nous collent aux basquettes et savent bien jouer de leurs charmes de petits enfants malheureux pour faire craquer les touristes achetant par pitié et croyant les sauver de leurs conditions misérables. Je me promet qu'en rentrant, je fabriquerais des t-shirts avec pour slogan: "Je n'achète pas mes souvenirs de vacances à des gamins" Et on voit dans l'ombre les mères qui récupère les précieux dollars. Terrible petit commerce mais qui apporte sans doute une aide financière non négligeable à ces familles vivant dans une grande précarité. On tente parfois de leurs lancer des: "Va à l'école" ou "Va jouer au foot" (!) Mais la réponse est toujours la même, elle aussi apprise par coeur en anglais ou en français: "Je n'ai pas d'argent pour aller à l'école" "J'ai besoin d'argent pour manger" Comment ne pas les croire et comment ne pas nous aussi avoir pitié ? Pas vraiment de solution. Parrainer un projet de construction d'école et qui enseignerait gratuitement ? Il y a au Cambodge plus de 250 organisations non-gouvernementales qui aident au développement du pays sous toutes les coutures. Éducation, environnement, développement durable, déminage, construction de latrines ou de puits d'eau potable. Le pays est assisté et le touriste est toujours vu comme un gros dollar ambulant. Il parait que 2 millions de touristes visitent Angkor par an. A 40 dollars le billet d'entrée moyen, ça fait 80 millions de dollars de chiffre d'affaire par an. 18% va à la compagnie pétrolière qui gère le site, 10% au patrimoine du site et le reste au gouvernement. Alors pourquoi ce dernier ne ré-investi pas des l'argent dans le domaine public en construisant des écoles, des sanitaires ou en amenant l'électricité pour son peuple ? Plus j'y réfléchi et moins j'ai de réponse. Aucune solution n'est idéale et ça me rend très mélancolique.

Sok Sabay Te ? - 14 mars 2011 - Après 3 jours à courir après les grosses pierres et les lianes, et après une dernière nuit sur le site autour d'un bon feu (et à cuire du pain de trappeur !)  il est temps pour les 3 mousquetaires de reprendre la route. Sur la carte de Rémy on repère la fameuse route 66, décrite dans notre guide comme étant une piste carrossable et à l'écart du trafic de la très fréquentée route numéro 6 reliant Siem Reap à la capitale, Phnom Penh. On se lance donc sur ce chemin de terre dans la bonne humeur, saluant chacun notre tour les nombreux enfants criant des "Hello ! Hello ! Hello ! " lors du passage de notre petit convoi. Il fait beau, on fait la sieste à l'ombre après la visite d'un autre temple, on regarde le travail des fourmis et on observe surtout la vie de tout les jours de ces villages qui semblent perdus hors du temps. Pas d'électricité, un puits dans le jardin en guise d'eau courante, une maison faite de quelques planches en bois, un hamac dans le jardin pour faire la sieste mais toujours le sourire aux lèvres quand on nous voit passer ...

Sok Sabay Te ? - 15 mars 2011 - Dure journée que celle d'aujourd'hui. En nous lançant sur la piste hier, nous étions loin de nous douter qu'elle allait se dégrader de plus en plus pour qu'on en vienne à devoir pousser nos vélos dans le sable. Impossible de faire plus de 500 mètres en selle. La situation devient critique quand approche le soir et que nos réserves d'eau sont à sec ! La seule information que nous avons, c'est celle d'un motard croisé en chemin qui nous a indiqué le prochain village à une vingtaine de kilomètre. Si il a dit vrai, il nous reste encore la moitié à faire et le soleil est déjà derrière l'horizon. On continue en silence, on pousse nos vélos dans le noir de peur de tomber de nos montures puisque difficile de voir où on met nos roues. Impossible de se poser pour la nuit sans eau, et même si on en avait, j'aurais beaucoup trop peur des buissons pas très accueillant, me rappelant évidemment les nombreuses mines anti-personnelles restant encore sur le sol Cambodgien. On est tous les trois perdus dans nos pensées. On peste intérieurement contre tout et n'importe quoi. Contre les concepteurs des cartes, pour indiquer cette route comme praticable, contre le monsieur du magasin au début de piste qui aurait pu nous prévenir de l'état de la route, contre ce soleil qui tape et qui nous donne encore plus soif  ... Mais on sait surtout qu'on ne peut s'en vouloir qu'à nous même, d'avoir agi comme des bleus et que porter 10 litres d'eau supplémentaires nous aurait éviter bien des soucis. Alors on continue et on espère que le motard ne s'est pas trompé de 10 km. C'est sur ce seul espoir que nous finissons par tomber sur une baraque de chantier. Les ouvriers sont déjà en train de dormir dans leurs hamacs, mais ils se lèvent en nous entendant arriver et nous offrent immédiatement à boire. Il était temps. La tension redescend et on se prépare à manger sous le regard amusé de nos hôtes. Surprise le lendemain matin lorsque nous découvrons les "ouvriers" en uniforme et près à partir au travail. Nous sommes tombés sur une équipe de déminage, pelle mécanique et matériel de détection de métaux avaient été pris par nos esprit fatigués pour du matériel de chantier. On partage leur petit-déjeuner et ils disparaissent dans la forêt pour leur dangereuse mission.

Sok Sabay Te ? - 22 mars 2011 - A peine plus de 230 kilomètres en 5 jours, notre moyenne est en baisse ! Mais on s'en est bien sortis ... Ce qui est sûr, c'est qu'on se souviendra de cette fameuse route 66. Du sable, du sable et du sable ... Des conditions très difficiles usant le corps comme l'esprit, mais comme le disait Rémy, on est tous restés très calmes même dans les pires moments et on a surtout su jouer la carte de la raison en rebroussant chemin le dernier jour pour aller faire le plein au petit village qui était à seulement 2 km de la baraque des démineurs mais qui nous obligeait à faire un détour. 2 km pour refaire un stock d'eau quand on y réfléchi c'était une évidence, mais sur le moment on a failli encore se lancer pour 60 km de plus avec, comme la veille, pratiquement aucune réserves.  Plus tard on retrouvera le goudron, les camions, les magasins, le coca-cola et les glaçons qui vont avec, les klaxons et les fous du volant ... On remet nos "anti-cons" planqués dans nos sacoches depuis le Vietnam, on visite encore un temple et on retrouve le Mékong. On arrive à Khompong Cham en début d'après-midi de ce samedi 19 mars, avec la ferme intention de s'y reposer ... C'est chose faite puisque nous avons passés ces deux derniers jours à jouer au billard et à profiter du pastis sur la terrasse. Rémy est reparti de son côté hier matin, direction le Laos et la Chine. On file dès demain en direction de Phnom Penh où un paquet nous attends chez le Dr. Tito ...

Sok Sabay Te ? veut dire "Comment allez-vous ?" en Cambodgien. Notre réponse est donc: Sok Sabay ! Ca va bien ! On a des jours avec et des jours sans, des remises en question et des moments de doute face à des situations absolument inadmissibles à nos yeux et qui peuvent nous rendre aigris ... Mais on essaie toujours de relativiser et on découvre des parties de nous qui nous étaient inconnues jusqu'à lors et pour le moment, on a toujours réussi à passer par dessus nos coups de gueules ! Pourvu que ça dure ! :)