Iran, suite et fin ... Enfin !

Enfin ... On va enfin rouler ! Arrivés à Tabriz il y a plus de 3 semaines, nous ne savions plus tellement pourquoi nous pédalions. Depuis la fin de la Turquie, beaucoup de grandes routes en construction, beaucoup de trafic, on se demandait parfois pourquoi nous avancions péniblement à 15 km/h alors qu'en 2h nous pouvions sauter de villes en villes sans trop de sueur en prenant simplement le bus...  Eh bien après cette pause plus ou moins forcée, nous savons de nouveau maintenant quel plaisir nous avons à voyager ainsi ! Si vous voyagez en bus, vous allez plus vite, vous profitez beaucoup plus des attractions touristiques, des glaces et des facilités offertes par les villes ... Mais vous ne voyez que ça ! Si nous avons décidé de partir voyager à vélo, c'est surtout parce que nous aimons découvrir les petites routes, nous perdre dans les montagnes kurdes, dormir à la belle étoile, se faire offrir des pastèques et de l'eau par des villageois bienveillants, et se dire que tout ce chemin, on l'a parcouru à la force de nos mollets et que malgré les moments de doute et les montées à 15%, on est arrivé ici (presque) en vélo ! Et ça franchement, c'est grisant !

Plus de temps s'il vous plaît !

En cette fin du mois de juillet, notre objectif en quittant Teheran à l'heure de pointe, c'est de rejoindre Semnan, à environ 200 km à l'est pour renouveler notre visa qui arrive bientôt à expiration. On doit à nouveau prendre le bus 2h pour éviter l'autoroute. Un peu de vélo pour rejoindre le service des passeports mais malgré plus d'une heure de négociation avec les policiers en service ce jour là, nous repartons bredouille ! Impossible de faire prolonger notre sésame ici, nous sommes trop tôt d'après eux, puisqu'il nous reste encore 5 jours valides. Mais en 5 jours impossible de rejoindre Gorgan, à 350 km de là et quelques gentils petits cols à travers les montagnes. Après deux jours de vélo et un col à plus de 2400m, on se fait donc à nouveau une raison et on se fait prendre en stop par un Zamyad (un des millions de pick-up bleu qui parcours le pays) et nous débarquons là où notre Lonely Planet nous promet des formalités administratives express. Express peut-être, mais alors après-demain. Parce qu'aujourd'hui c'est trop tard et demain c'est férié ! On file donc au camping de la ville (parce qu'il y a un camping par ici ??) 8 km de montée plus tard, on débarque dans ce qui ressemble à un endroit pour mettre notre tente. Il n'y a personne, pour l'instant, mais dès 19h, c'est plus d'une centaine de familles qui débarquent avec enfants, saucisses, musique et tente pour passer la nuit là. Ambiance bonne enfant, on passe la soirée à les observer et étonnamment on est pas trop dérangés et on passe une excellente nuit ! Mais le lendemain matin, nous rêvons de calme et surtout d'une douche ! On file donc dans un petit hôtel et on récupère de ces quelques jours de montagnes et de camping ... Et nous aurons bien fait d'attendre, le lendemain comme promis, notre visa est étendu de 30 jours en moins de 2h. Le temps que le thé offert par la police refroidisse et de faire l'aller-retour à la banque, nous sommes cette fois bel et bien sur la route pour Mashad !

Après une escorte policière d'une demi journée pour cause de proximité avec la frontière turkmène, nous passerons par le parc national du Golestan (qui signifie Paradis en farsi). Pas tellement le paradis à nos yeux, puisque c'est plus de 3000 voitures par heure qui vont nous dépasser, autant de monde qui va pique-niquer dans la forêt en prenant bien soin (!) de laisser sur place les papiers et autres bouteilles en plastique, et autant de conducteurs qui vont nous klaxonner, nous hurler quelques encouragements par la fenêtre de leur engins et surtout, faire diminuer petit à petit notre plaisir de voyager dans ce pays. Nous étions tellement enthousiastes en entrant ici de découvrir cette culture millénaire, ces lieux mythiques de la route de la soie et ces gens qui ne demande qu'a partager tout ça avec nous ! Mais là c'est trop ...

Les Iraniens sont accueillants, curieux, généreux ... Mais ils sont aussi et surtout trop accueillants, trop curieux et trop généreux. On trouvera au bout de ces 6 semaines passées en Iran que les gens sont surtout bienveillant avec nous par ignorance. Pour eux, une fille qui fait du vélo, c'est forcément qu'elle cherche à exciter les hommes. Un couple non marié qui voyage ensemble, c'est déjà illégal pour eux et c'est surtout complètement aberrant. Qu'en plus nous ne soyons pas de la même religion, que nous n'ayons pas la même nationalité et que nous n'ayons pas d'enfants (mais, on vous a dit qu'on était pas mariés :) ), nous passons en permanence pour des extra-terrestres. Ils s'étonnent de savoir que je ne porte pas le voile chez moi et que je déteste ça. Mais voyons Lydie, il est léger ton voile ça ne doit pas beaucoup te gêner ! Mais bien sûr, vas-y toi, Monsieur avec plein de chromosomes Y, met le juste une journée en plein été, et tu verras si tu le trouve toujours aussi léger !

Le problème pour nous aura surtout été dans les villes, face aux hommes entre 18 et 35 ans qui sont complétement frustrés de ne pouvoir approcher les femmes à moins qu'elles soient leur mère, leurs sœurs ou leur(s) épouse(s). Des centaines de jeunes en mobylettes étaient capable de nous (me) suivre pendant des kilomètres juste pour mater. En plus, un nombre impressionnant de jeunes baragouine un minimum d'anglais et n'ont pas peur du tout de s'en servir pour poser toujours les mêmes questions. Des "Where are you from ?" "Country ???" "Hello my friend " "Country ??" "Hello !!" "Country ??" "Country ??"   "Country ??"   "Country ??"   "Country ??"   "Country ??"   "Country ??"   "Country ??"   "Country ??"   "Country ??"  Par centaine et tous les jours... Au bout d'un moment, on a plus envie d'y répondre et on en arrive même à se brusquer des invitations sincères des villageois qui eux, habitant dans leurs campagne sont honorés de nous offrir des fruits et de l'eau et même de nous héberger et de nous aider lorsque nous sommes incapable de rouler à cause de la tourista (tiens d'ailleurs il n'y aurai pas un lien de cause à effet là ??)

Finalement, un check point de police aura raison de notre motivation à rallier Mashad en vélo ... Les hommes en uniformes nous offrent à manger et à boire à midi puis on repart. Mais il fait chaud, trop chaud ... et 2h plus tard toutes ces belles offrandes retournent à la nature ... Eric est complètement KO et on trouve refuge chez une famille du village qui nous accueille pour la nuit, très longue nuit. Le lendemain, la jauge de puissance est à zéro. On se traine 15km pour rallier la gare d'autobus et on file à Mashad 3 jours plus tôt que prévu.

Après 3 jours pour se remettre et lancer les démarches pour le visa Turkmène, on va quand même visiter le tombeau sacré de l'Imam Reza, un des douze hommes saints vénérés par les musulmans et qui fait de Mashad le deuxième lieu le plus Saint pour les Musulmans après la Mecque. Normalement la mosquée et l'intérieur du tombeau sont interdits aux non musulmans, mais avec des vêtements de camouflage iraniens, nous passerons sans blocage les contrôles ... Et non, nous ne nous sommes pas convertis à l'Islam ! L'intérieur est très clinquant mais c'est surtout impressionnant de voir ces milliers de personnes pleurer sur la tombe de ce brave monsieur. Les hommes d'un côté, les femmes de l'autre ça va sans dire.

Dernière ligne droite

Mais ensuite, le visa Turkmène se fait désirer et il faudra attendre 4 jours de plus ... Heureusement, Astrid et Mewes un couple de cyclos allemands débarquent accompagnés de Wolfgang rencontré en route. Comme nous, ils roulent depuis le mois mars et nous les avions loupé de justesse en Bulgarie; on partagera avec eux des belles soirées sans prise de tête, malgré leurs 50'000 km déjà parcouru notamment en Amérique du Sud il y a quelques années.

Enfin ! Après 8 jours, notre visa est enfin prêt ! Et nous filons directement, en vélo cette fois en direction du Turkmenistan et de sa capitale Ashgabat ! Pendant 5 jours nous roulerons avec le vent de face en cherchant notre chemin dans les petits chemins pour éviter l'autoroute. Encore une fois, nous alternerons les rencontres sympas et les épisodes franchement pénibles notamment à Chenaran où la police nous obligera à venir dormir dans leur résidence. On évite le même scénario de justesse le dernier jour. Après avoir fait des courses au village, on essuie des jets de pierre par des gamins dans le parc et on décide donc d'aller dormir dans la montagne à 4 km de là. Mais les policiers en faction au check point ne l'entendent pas ainsi. Ils appelleront leur chef qui nous retrouvera 20 min plus tard avec son 4x4 alors qu'on s'apprête à s'installer dans un coin tranquille. Pendant 20 min il essaiera de nous emmener dormir dans le parc de la police, mais nous, c'est dans la montagne, à la belle étoile qu'on veut passer notre dernière nuit en Iran, pas au poste. Finalement quand on lui dira que ça fait 5 mois qu'on fait du camping et que je n'ai pas peur des soit disant animaux sauvage de la région, il nous laissera tranquille. Il était finalement seulement très inquiet pour nous et n'a jamais essayé d'abuser de son autorité pour nous emmener de force. Comme pour tant d'autre ce qu'on fait leur paraît tellement inhabituel qu'ils font vraiment tout ce qu'ils peuvent pour nous remettre dans le droit chemin.

Le lendemain au poste frontière, c'est la surenchère du n'importe quoi : le poste iranien est immense avec évidement Khomeini en 4mx4m mais le poste Turkmène est entièrement en marbre blanc, avec Nyazov en 5mx5m ... Pas de problème de formalités, on retrouvera notre négociateur de la veille au soir qui s'avère avoir beaucoup d'étoile sur les épaules ... :)
Dernière anecdote marrante : le dernier policier nous demande 5$ pour changer sa chemise ! Pas de bol mon gars ! T'es trop bête pour faire ça comme il faut : tu nous as déjà rendu nos passeports et tu viens d'ouvrir le portail ! Alors on passe tranquillement en lui riant au nez. Dommage ...  à lui seul, il ruine l'image relativement professionnelle que ses collègues se sont efforcés d'avoir avec nous ...

Nos trois premières semaines ont été assez euphoriques du fait des gens rencontrés et des lieux visités, mais les 3 semaines suivantes nous ont surtout permis de bien sentir le côté un peu plus triste de l'Iran. Bien des gens n'ont absolument aucune idée de ce qui se passe en dehors de leurs frontières et sont parfois très gentils avec nous simplement parce qu'ils sont très très inquiets et qu'ils ne s'imaginent absolument pas voyager eux même dans un pays étranger.
La dictature fonctionne assez bien pour ça : beaucoup de cerveaux sont bien formatés comme il faut par la TV et les journaux uniquement gouvernementaux et sont nourris d'une haine d'Israël, des américains, des irakiens, des arabes 24h sur 24h. En plus, tout est fait pour limiter au maximum les contacts entre personnes : cafés fermés et contact entre hommes et femmes limités au maximum ... Cette situation génère des frustrations énormes surtout pour les jeunes : les hommes perdent les pédales (mouarfff !!) dès qu'ils voient une fille étrangère et les filles se font refaire le nez à tout va pour séduire et porte le voile en montrant 80% de leurs cheveux. Les uns comme les autres nous abordent spontanément pour nous demander des visa pour l'Europe ...
Mais pour le moment, le gouvernement a visiblement encore les moyens d'acheter la paix sociale en fournissant quasiment gratuitement l'eau, le gaz et le pétrole ... Mais pour combien de temps ? Il faut faire la queue 45 min pour faire la plein car il n'y a pas assez de stations essence (gouvernementales bien sûr ...) et le pays est obligé d'importer du pétrole raffiné car il n'a pas assez de raffineries ...

Dernière remarque pour rassurer tout le monde : nous n'avons absolument jamais ressenti le moindre problème de sécurité à part ces deux trois gamins jetant des pierres. Les gens sont très collants, très curieux, mais jamais agressifs.

On aura adoré et détesté ce pays, selon les moments, mais on reste vraiment contents d'y être venus et d'être restés assez longtemps pour en avoir marre :)

Maintenant direction une autre dictature : le Turkménistan !