Un bout avant l'autre

Je viens de relire le dernier article et je suis en train de me demander si ça sert vraiment à quelque chose d'en écrire un nouveau ; le dernier résume aussi bien les 10 derniers jours de vélo que le dernier mois.

On repart de Coyahique avec le plein de réserves ; le sud de la carretera Australe n'est toujours pas réputée pour ses supermarchés. On a le droit à 90km de goudron puis 400 de piste plus ou moins bonne.

Et on enchaine comme auparavant les conducteurs sympa et ceux qui devraient moisir en prison, les montées, les descentes, les lacs, les montagnes parfois enneigées, les condors, les galères pour trouver à camper à cause des barrières mais aussi les coins camping de rêve avec du pain au feu de bois au menu. Des photos valent mieux que trop de mots :

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Merci pour la poussière ...

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J'ai faim !!!

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Ca vient !!!

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Pain au feu de bois

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Forêt dévastée par l'explosion du volcan Hudson en 1991

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Trop de mâles, dans la dernière fournée, désolé gamin !

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Le con dor dans les andes

Le bout de la route avant le bout du continent

On finit tout de même les 2 derniers jours sous la pluie et la grisaille, mais on serait bien bête de se plaindre. 3 jours de pluie depuis 1 mois, on doit pas être loin d'un record, surtout si on ajoute un vent presque toujours dans le dos et d'une force par moment inimaginable : les montées à 15% se transforment en petit faux plat et même à 25km/h, la gore-tex est encore plaquée dans le dos. Reste juste l'état de la piste pour nous ralentir. La Patagonie c'est presque trop facile comme ça.

Bon, j'ai bien dit "presque". Après 9 jours de vie sauvage sans presque parler à personne, on arrive un peu fatigués à Villa O'Higgins après plus de 500km et 1'000m de dénivelé par jour en moyenne.

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Ici finit la Carretra Australe. Ici s'interrompt le réseau routier chilien, pour ne reprendre que 300km plus au sud, la faute aux montagnes et innombrables glaciers (les 2 champs de glace de la région constituent la plus grande étendue glaciaire de la planète si on met de côté les régions polaires).

Intermède social

Et vu que ce n'est toujours pas l'heure du rush touristique, le village est bien vide et on attérit à l'auberge d'"El Mosco" (le moustique), qui se transformera dans quelques semaines en véritable repère de cyclo-touristes. La Marcella, la propriétaire, (oui, ici c'est la campagne, son mari c'est LE Jorge) nous montre fièrement son livre de compte de l'année dernière avec presque 50% de cyclistes : 400 pour une saison de 5 mois, on a un peu de mal à l'imaginer, tant l'ambiance est calme en ce moment.

On comprend mieux pourquoi tous les coins de camping sauvage qu'on a vus ou fréquentés ces dernières semaines ont des restes de feux de bois. Mais aujourd'hui, on est les premiers clients du cru 2012-2013, les deuxièmes tous confondus ; l'auberge est sortie de son hibernation il y a seulement 15 jours et la température intérieure s'en ressent un peu.

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Une amie à la Marcella, la Fili, est venue l'aider cette année et une touriste française reviendra aussi travailler ici dans quelques semaines. Tous des gens de l'extérieur car c'est d'après elle difficile de trouver des locaux motivés. Le village n'a été connecté à la route qu'en 1999 et les années Pinochet ont visiblement laissé des traces ici. Les locaux se sont contentés pendant des années de probablement très peu ; un peu de travail aux champs, quelques subventions pour les motiver à "peupler" le pays et imposer un peu la frontière avec l'Argentine (qui fait encore débat aujourd'hui !) et ... pas grand chose d'autre puisque les seuls connexions étaient le petit aérodrome et un débarcadère à des heures de bateau d'une ville.

Et je peux comprendre que ce genre de vie ne soit pas vraiment en phase avec le buzz touristique des backpackers et des clients des "éco-lodges" qui poussent presque comme des champignons en ce moment (celui d'en face est arrivé en kit, même le bois, alors que c'est une des activité principale dans le coin ; ça ne plait pas trop à la Marcella).

Nous ça nous fait du bien de discuter un peu et on en profite pour éclaircir quelques interrogations collectées en route autour d'un verre de vin gracieusement offert par la Fili, contente elle aussi de voir enfin du monde.

D'abord, les élections communales. Dimanche, chaque commune change son conseil et son maire ("l'alcalde", ça rappelle Zorro :) ) et c'est tout simplement impossible d'oublier. Chaque village, même minuscule, est placardé d'affiches standardisées mettant plus ou moins bien en valeur le candidat.

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Une débauche de moyen pour une foultitude de candidats. La Fili nous explique la situation à Villa O'Higgins : 500 résidents, 700 inscrits sur les listes (elle ne comprend pas non plus comment c'est possible), 4 candidats au poste de maire, 25 candidats pour les 4 postes de conseillers.

Dans mes souvenirs, en France et en Suisse, les gens se font supplier pour bien vouloir se présenter, ici non. Le poste est trop bon, un peu pour les sous et encore plus pour les petits arrangements. D'ailleurs, comme par magie, les routes du village sont en rénovation depuis quelques mois, juste avant la campagne. Le maire sortant se représente. Il a été a bonne école, il y a 2 ans, alors que la partie sud de la Carretera Australe était presque impraticable depuis des mois, elle a subitement été totalement rénovée pour éviter un tassement de vertèbres au Président Piñera en déplacement par là quelques semaines plus tard.

Mais bon, ça reste bon enfant et productif, on est encore loin de Raphaël et Evo, les présidents équatoriens et boliviens à côté de qui Sarkozy serait passé pour quelqu'un de discret et réservé.

 

Patagonia sin represas !

Deuxième sujet chaud de la région, les barrages et une belle bataille de panneaux de propagande :

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Notre belle Patagonie. Quel sauvage ferait ça ? Hidroaysen le ferait. (sous entendu : construire des barrages et des lignes électriques au milieu des jolis paysages). Patagonie sans barrrages.

HidroAysen - Notre porte est ouverte, le dialogue aussi

Hidroaysen est un consortium d'entreprises qui veut soit disant aider le Chili a sortir d'une soit disant crise énergétique en construisant 5 barrages au milieu des rivières, lacs, et glaciers de la Patagonie Chilienne. Honnêtement, je n'en sais pas bien plus que ça. Mais Fili nous explique quand même que par ici, personne ne veut de ça. Eux ils ont leur petite ligne électrique qui leur suffit et ils n'ont pas besoin des GigaWatts des barrages. Les mines oui. Mais les mines elles sont à plus de 3'000km de là, tout au nord du Chili et ça fait un paquet de pylones et d'expropriations en vue, sans compter que les touristes ne viennent pas en Patagonie pour prendre en photos des lignes à haute tension. Alors dans la région ça ne fait pas rêver grand monde et ils sont un paquet à se mobiliser contre le projet ... Nul doute que beaucoup de choses vont changer par là si le projet est validé. Le traffic va légèrement augmenté ...

Et à l'autre bout de la ligne en projet, c'est presque le même histoire. Les mines font rarement l'unanimité et chaque nouveau projet est combattu autant que possible par les locaux pour éviter les pollutions. Tout ça pour sortir toujours plus d'or dont je comprend de moins en moins l'intérêt.

Un peu moins polémique, sur nos vélos on s'est quand même sentis bien loins de tout dans cette région et on se disait qu'il ne faudrait pas qu'on fasse de trop grosse cascade en vélo. Effectivement, à Villa O'Higgins, pas de médecin, une auxillière de santé sur place et une infirmière qui passe une fois par mois, au mieux. Le bus vient 2 fois par semaine, idem pour le petit avion qui attérit le lundi et le jeudi, si il n'y a pas trop de vent. Celui d'hier a été annulé.Le premier dentiste est à Cochrane, 250km, presque 5 heures de route et les femmes doivent aller à Coyahique, 500km, 9h de route (et 2 bateaux par jour pour traverser le canal) pour attendre leur accouchement plusieurs semaines avant le terme, dans une maison communale surnommée "la maison des fermières". Une échographie ? C'est quoi ça ?

Voilà, notre intermède de vie en société touche à sa fin. Les gore tex recousues, les sacs de couchage aussi, les chaussures sont recollées et on a même dû réparer notre sac de nourriture qu'une souris affamée a attaqué dans notre tente (d'habitude on le met en hauteur, là on avait oublité et on a dû se relever dans la nuit tellement la souris faisait du bruit). Mais on se rassure toujours avec la même rengaine : "Ca tiendra bien encore 2'000 km ?!"

Et comme ce n'est pas encore l'été, le bateau qui prolonge la route vers le sud et l'Argentine reste encore à quai pour quelques semaines et nous oblige à un petit détour.

Retour 6km au nord puis 50km à l'est en direction du paso Mayer. La route s'arrête là-bas aussi sur 15km. Mais certains cyclos s'en sont déjà sortis à travers champs et une fois retrouvé le chemin, le premier village qui n'est qu'à 500km. Alors on a chargé les vélos de réserves et on file, en espérant que la neige tombée hier sur les hauteurs ait un peu fondue. Lydie m'a coupé les cheveux en prévision, c'est toujours ça de moins à porter. Bizarrement elle n'a pas voulue que je l'allège un peu elle aussi.

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