Carretera Australe

Nous repartons raisonablement bien reposés de El Bolson, en Argentine. Nous avons pu profiter de la cuisine, du délicieux petit-déjeuner inclus de notre cabana, sorte de petit appartement au fond d'un jardin. (La région en est remplie, à croire que tout le monde s'est donné le mot et veux sa part du gâteau touristique qui atteint son pic normalement aux mois de décembre-janvier et février.)

Nous sommes hors saison, les prix sont à la baisse, les lieux pratiquement vides et les propriétaires aux petits soins. De la petite ville de El Bolson nous ne visiterons donc que le quartier entre notre QG et le supermarché. Il y a pourtant beaucoup de marches ou autres activités à faire dans le coin, mais nous on est dehors 24h/24 quand on roule, alors quand on arrive dans un endroit civilisé c'est pour se reposer. Ou essayer, comme indiqué plutôt, puisque les Argentins apparemment aiment autant les chiens que leurs voisins Chiliens. Chaque maison semble en avoir 4 ou 5, et ces espèces de bestiaux on les mêmes horaires que leurs maîtres. Ici, on soupe (ou on dîne) vers 22h, et c'est à ce moment là et pour une bonne partie de la nuit que les clébards de toute la ville s'aboient dessus jusqu'à l'agonie... On se réveille le matin avec de petits yeux, les chiens eux vont se coucher... Pas grave, on fera la sieste !

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Premier jour du mois d'octobre, nous reprenons donc la route en direction du sud. Le ciel est gris, la route un peu vallonnée mais on a le vent dans le dos. Moins de barbelés qu'au Chili, on se trouve tous les soirs un chouette coin pour camper.

On quitte la route nationale 40 un peu trop encombrée à notre goût et on fait le détour par un parc national. Et là encore on a du bol, on parle un moment avec le gardien qui a des soucis de Didymo comme en Nouvelle-Zélande; il nous indique sur une carte les 3 ou 4 campings où nous pourrons camper gratos ce soir et puisqu'on est hors saison, il n'y a pas de frais d'entrée à payer. Hop là, CHF 20.- / 15€ d'économisés !

La route du parc est beaucoup plus tranquille et nous ne croiserons pas beaucoup de monde mais le ciel est menaçant. Nous arrivons vers 18h au bien nommé camping gratuit "El Frances" (Le Français) et nous passerons la soirée et la nuit avec pour seule compagnie le bruit des vagues et un couple de canard. Quelques gouttes lorsqu'on se met au lit, puis la pluie qui ne s'arrête pas jusqu'au matin. Une accalmie pour notre petit-déjeuner puis ça reprend de plus belle et ça ne semble plus vouloir s'arrêter. On réfléchi et on relativise, la dernière fois qu'on a du rouler sous la pluie, ça devait être en Équateur, alors on se dit qu'on a quand même du bol. La règle officieuse étant qu'on a le droit de râler et de se plaindre après 3 jours.

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Le capuchon bien fermé, les gants dans la gore-tex (qui n'est plus tellement étanches après tous ces mois sur la route) on roule sans grand enthousiasme il est vrai, jusqu'à trouver un petit village et un coin à l'abri pour allumer le réchaud. Un bon chocolat chaud, une omelette et c'est reparti mouillés pareil, la pluie ne s'étant pas calmée. Le soir le baromètre remonte, on mange même dehors. On se relève tout les deux pendant la nuit pour aller au petit coin, la tente est recouverte d'une couche de glace ainsi que nos gants et pulls qui étaient pendus dans l'entrée.

Humidité et nuit fraîche ne font pas bon ménage, mais le ciel est clair et au dessus de nos têtes on ne voit que des étoiles. Un peu de nuages le matin, le moral est au beau fixe contrairement au dos de Eric qui le fait souffrir. Nerf déplacé ou faux mouvement on ne sait pas, toujours est-il qu'il arrive plus ou moins à pédaler mais impossible de faire d'autres mouvements. On décide de faire les 10km qui nous séparent du village de Trevelin et de s'y poser quelques jours. C'est ça ou prendre le risque que ça s’aggrave, à 2 mois de la fin de notre voyage ce serait vraiment trop bête de tout chambouler maintenant. Arrivés en ville sous le soleil, on se trouve une auberge de jeunesse sympa où nous pourrons à loisir nous reposer, faire sécher nos affaires et utiliser la cuisine.

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Le lendemain ça ne va toujours pas mieux, mais la frustration d'être coincé là alors qu'on a envie d'avancer est la plus forte et on repart en direction du Chili en début d'après-midi. La piste devient mauvaise et secoue beaucoup nos vélos, mais par miracle les bosses décoincent le dos d'Eric. La douleur est partie comme elle est venue, d'un coup et sans vraiment en connaître les raisons. On se pose sur une aire de camping gratuite (en tout cas en cette saison) à 200m du poste frontière. Ce soir, c'est pain sur le feu et à nouveau une nuit tranquille au bord d'une rivière.

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Le lendemain on se présente aux douaniers Argentins les yeux encore un peu endormis, 100m de plus et nous sommes à nouveau au Chili. Petit-déjeuner sur la place vide de Futaleufu, quelques courses pour tenir jusqu'à demain et après 80km nous rejoignons la route numéro 7, plus connue sous le nom de Carretera Australe.

La route n'est pas goudronnée, mais nous roulons bien, les gens nous saluent ou nous font des pouces en l'air, on traverse des forêts, on longe des rivières et on traverse beaucoup de ponts. Dommage que les quelques conducteurs que nous voyons chaque jour se prennent pour des pilotes du Dakar. Les mêmes qui nous encourageait sur le pas de porte du magasin il y a une heure nous double avec leur beau 4x4 tout neuf à 100km/h en faisant projeter des pierres sur nous et nos vélos. Pas stupides mais vraiment inconscients, c'est rageant !!

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Les jours et les kilomètres défilent. On adore rouler par ici même si on doit avouer que les paysages sont un peu toujours pareils et que ça en devient lassant. Le temps est gris depuis une semaine, ça n'aide sûrement pas à s'émerveiller devant chaque trou d'eau. Mais il faut bien avouer que l'ambiance dans ce coin du monde est vraiment particulière. Un village tout les 60 ou 80km et au milieu plein de vide. Et quand sur notre carte il y a un village annoncé on tombe parfois sur un petit groupement de maisons. Deux fermes, des poules, des vaches, des cochons, des moutons, des chevaux, des chèvres, tout ça en petites tailles aussi. C'est le printemps et certains nouveaux-nés sont tellement frais qu'ils tiennent à peine debout.

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Les coins camping s'enchaînent et se ressemblent. A 17h on commence à être attentif à un éventuel bout d'herbe où nous pourrions planter la tente. L'attente n'est jamais très longue, un ruisseau ou une cascade et la vue sur les montagnes. Et vu le temps qu'on passe à chaque fois sur « nos » coins il vaut mieux qu'on s'y sente bien et en sécurité puisqu'on n'y repart souvent que 14h plus tard ! Les soirées sont longues, nous sommes au printemps et chaque jour nous avons droit à un peu plus de lumière. Pour le moment, le soleil se lève vers 6h30 et ne se couche qu'à 20h30. Il faudra vraiment qu'on trouve une technique pour avoir nos heures de sommeil, d'après notre GPS, vers Ushuaïa vers fin novembre il fera jour de ... 4h30 à 23h !

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Une fois par jour en moyenne on retrouve quand même la civilisation. Une boulangerie, une petite épicerie pour faire le plein de pâtes, de riz ou de polenta, des tomates ou des carottes et quelques biscuits et c'est reparti. Les Chiliens par ici sont courtois mais discrets, nos échanges se limitent souvent des formalités lors de nos achats, mais c'est en partie cette ambiance particulière de bout du monde qui rend cette Carretera Australe si spéciale.

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Le 10 octobre on se paie l'entrée du Parc National de Queulat (CHF 7.- / 5€ quand même !) ;) pour aller voir de plus près le glacier Ventisquero. La ballade est sympa, le glacier craque au loin et la vue magnifique 1h de marche plus tard. Le lendemain on retrouve le goudron et on file sur Coyhaique avec un vent toujours aussi clément avec nous et qui nous pousse dans les montées. Le soleil joue à cache-cache et nous laisse apercevoir les sommets enneigés des montagnes. Une dernière montée et nous voyons LA ville au loin. 1h plus tard on trouve le bon plan du jour, petit appartement chez une grand-mère attentionnée, une machine à laver et un four pour les 3 jours de repos qui vont suivre.

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On prend comme d'habitude le temps de trier nos photos, de mettre à jour le site, de raccommoder un pantalon qui se fait vieux et de graisser des roulements plus tout jeunes non plus et puisque c'est samedi on se paie même un bon resto. Y a pas a dire, un bon steak ça fait quand même toujours du bien! On calcule aussi plus précisément ce qu'il nous reste à faire avant Ushuaïa. 1600km au bas mot, c'est peu et beaucoup en même temps. Il nous reste 6 semaines si on veut pouvoir remonter en bus jusqu'à Buenos Aires l'esprit tranquille. Assez de bla-bla, on est à la bourre, alors en selle !

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PS: Pas assez de place pour répondre à certaines de vos questions très pertinentes alors on a complété notre billet sur les questions-réponses ... A lire ici