Des montagnes, de la confiture et des yourtes !

Notre arrivée au Kyrgyzstan aura pris plus de temps que prévu. D'après notre petit planning, nous devions visiter la vallée de Fergana à l'est de Tashkent en Ouzbékistan puis rejoindre Osh du côté Kyrgyz. Mais voilà, les relations politiques entre ces deux pays sont assez tendues, surtout depuis les événements d'avril et juin derniers. Beaucoup de voyageurs sur la route et pourtant aucune information vraiment fiable, les règles du jeu changeant à tout moment. Tantôt ouvertes, tantôt fermées, puis ouvertes mais uniquement pour les touristes ou dans un seul sens, puis à nouveau fermées, les frontières jouent avec nos nerfs ... Nous cogitons pendant plusieurs jours pour essayer de trouver une solution et  nous devrons finalement passer par le Kazakhstan (voir articles précédents ...)

C'est donc après un passage exprès de 6 jours au Kazakhstan que nous entrons au Kyrgyzstan par Taraz. Il pleut ce jour là, et la température est en dessous de 10C°. Très peu de circulation, notre moral est un peu comme le ciel: tout gris. On plante la tente proche d'une maison abandonnée et nos piquets en profitent pour nous lâcher. C'est toujours dans les situations pas drôles qu'il faut commencer à réparer le matériel. Le lendemain, un petit col à plus de 3000 mètres nous attends et on monte tranquillement dans la vallée. Beaucoup de brouillard et donc peu de visibilité, impossible d'apercevoir la moindre montagne depuis 3 jours. Et plus on monte, plus la petite pluie fine se transforme en neige et bien vite en tempête. Nous ne savons pas ce qui nous attends de l'autre côté, mais ce qui nous démoralise encore plus, c'est que des dizaine de camions rempli de yourtes démontées redescendent dans la vallée pour passer l'hiver. Restera-t-il encore des gens là-haut ? Et surtout verrons-nous les yourtes Kyrgyzes qui nous font tant rêver ? Un dernier effort et le col passé, il nous est tout simplement impossible de redescendre, le froid nous gelant les mains et nous empêchant d'utiliser nos freins. Mais les yourtes sont là !

Il reste bien quelques familles de ce côté ci de la montagne et nous voyant peut-être transi de froid nous font signe de venir boire un thé. Nous n'hésitons pas très longtemps et nous nous retrouvons très vite avec une tasse bien chaude dans les mains et 2 vestes de plus sur les épaules ! Vous l'aurez sans doute deviné, mais l'invitation au thé s'est bien vite transformée en invitation à prendre un goûter, en invitation à rester manger le beshbarmak (voir recette illustrée) et en invitation à rester dormir au chaud. On est sur un petit nuage. On espérait bien pouvoir dormir une fois dans une yourte et celle là tombe vraiment bien !  On s'en rendra compte plus tard, mais en une seule soirée, nous aurons goûté  aux meilleurs des plaisirs Kyrgyz : le pain fait maison, le beshbarmak, et surtout les confitures d'abricot, de fraise, de framboise, comme jamais nous avions mangé ... Reste le kymys (lait de jument fermenté), la crème et la margarine faite maison pour lesquels il doit falloir être véritablement Kyrgyz afin de les apprécier à leur juste valeur :). Nous nous endormirons emmitouflés dans des couvertures, tous alignés sur le sol de la yourte, elle même entourée de 5 chiens, 2 vaches, 43 chevaux, et  248 moutons.

Le lendemain matin au réveil, la tempête est loin derrière et le soleil est revenu ...

S'en suivront une dizaine de jours à se balader au milieu des montagnes, des canyons, à suivre des rivières au petit bonheur la chance pour finalement découvrir un lac perché tout là haut sur la montagne avec encore plus de neige, plus de yourtes,plus de confiture et plus de paysages magiques !

Mais tout n'est pas tout rose non plus. Dans les yourtes, il y a pas de douche,  il y a pas toujours de poele et la porte est en permanence ouverte pour laisser passer un peu de lumière .. et donc de froid ... Et les gens ne sont pas toujours très honnête non plus. Il existe au Kyrgyzstan un organisme qui s'appelle le CBT (Community Based Tourism) qui fonctionne comme une agence de voyage pour les touristes en offrant des services comme des locations de voitures, des réservation de séjours dans les yourtes avec balade à cheval et comment monter une yourte par exemple. Cette association  a surtout été mise sur pied pour venir en aide au paysans et aux familles qui vivent très pauvrement dans ce petit pays d'Asie Centrale en proie à des difficultés énormes. Alors oui, ce système améliore le quotidien de ces gens parfois démunis de tout et vivant dans une précarité assez hallucinante, mais l'effet pervers, c'est que les hôtes en question voient parfois dans le touriste un gros billet de dollar et essaient maintenant de leurs soutirer tout ce qu'ils peuvent. Nous aurons vécu les deux extrêmes : un accueil et une générosité sans borne alors que la pauvreté de ses gens était flagrante, mais aussi des hôtes qui nous demandent le double de ce qui se pratique généralement pour un service minimum.

Mais cela ne nous empêchera pas de continuer notre route dans ce pays qui devient petit à petit un des endroit où nous avons eu le plus de plaisir à rouler depuis le début de notre voyage. Mis à part les routes qui ressemblent plus à des pistes nous aurons une bonne dose de montagnes, de nature, de gens sympas et d'émotions en catégorie 5*.

Après le lac Song Köl, nous passerons quelques jours à Kochkor (pour récupérer et surtout pour se doucher) puis nous nous dirigeons vers une vallée parallèle au sud du lac Issyk Köl. Nous y découvrons un autre aspect du Kyrgyzstan, après les yourtes et les bergers, place aux paysans dans les champs. C'est la saison de récolte des pommes de terre et  en 2 min nous voilà à nouveau invités à boire le thé, etc, etc ... Sauf que cette fois, nous resterons deux jours complets,juste le temps de manger des patates, de boire de la vodka, de ramasser des patates, de ramener les troupeaux à cheval, de boire de la vodka, de re-trier les patates, de manger du Beshbarmak et de re-boire de la vodka ... Nous reprendrons d'ailleurs la route ... enfin ... le chemin, à moitié saouls après avoir bu 5 godets avant même que 9h ait sonné ...

Malgré les nuits dans des endroits parfois douteux et les gueules de bois, ces rencontres nous permettent de mieux ressentir le quotidien des Kyrgyzs : pas beaucoup de moyens financier, un revenu mensuel qui dépasse rarement les 2000 Sums par mois (environ 50 $) pas ou peu d'éclairage publique dans les rues des agglomérations, pratiquement rien d'autre que des tomates, des oeufs ou des biscuits sur les étals des magasins. Mais surtout de la vodka. A 60 Sum la bouteille (entre 1 et 2 $) c'est un produit très (trop) accessible et les gens ne s'en prive pas. 3 fois sur 4, quand nous faisions nos emplettes dans le magasin du village, un père de famille, une grand-mère (si, si ...), ou même des enfants dévoués, venaient acheter leur petite bouteille ... Et les effets étaient assez souvent visibles dans la rue ...

Dommage de voir que le gouvernement laisse ses concitoyens se détruire de telle manière en espérant ainsi les garder au silence de leurs agissement pas toujours politiquement corrects ?

Parlons politique d'ailleurs. Puisqu'en ce mois d'octobre, nous sommes en pleine période de campagne pour les élections du parlement. L'ex président ayant fuit suite aux heurs du printemps 2010, pas moins de 29 partis se bouscule au portillons pour réélire une assemblée le 10 octobre puis un nouveau président dans 2 ans ... Nous avons ainsi aperçu tout au long de notre traversée du pays un nombre d'affiches et de slogans assez incroyable. (Exemple : "le 10-10-2010, votez la liste 10 !") Il y en avait pour tous les goûts et surtout de toutes les couleurs. Les observateurs locaux prévoyait des violences dans la région de Osh et nous avons donc renoncé à prolonger notre visa et à filer en Chine par le col de Irkesham.

C'est donc par Bishkek que nous ressortirons du pays, exactement 30 jours après y être entrés, en ayant fait un dernier petit passage dans les montagnes pour profiter des sources d'eau chaudes et se relaxer un peu. Bishkek qui nous aura laissé assez indifférent, sauf peut-être pour l'hostel dans lequel nous sommes restés 3 jours et qui s'est révélé comme "the place to be" (Tous à Sakura Guesthouse !) avec de bonnes soirées en compagnie d'autres voyageurs, cyclo ou non.

Encore une fois, le Kyrgyzstan ... c'est GEANT ...

PS: Les photos du Kyrgyzstan sont en ligne !
PPS: Nous avons également mis à jour la liste des liens "ils nous ont fait rêver" où vous pourrez étancher votre soif de récits en lisant les blogs de nos amis cyclos rencontrés en route.